À un peu moins de deux mois de l’élection présidentielle américaine, les soupçons concernant l'état de santé de la candidate démocrate Hillary Clinton, bientôt 69 ans, se multiplient et les théories de conspiration pullulent… « Le Quotidien » a interviewé le Dr Ludwig Deppisch*, médecin pathologiste et historien, pratiquant à Tuscon, en Arizona, et auteur de « Médecin de la Maison Blanche – de George Washington à George W. Bush », publié en 2007, et de « la Santé des premières dames », publié en 2015 et préfacé par le médecin de la Maison Blanche (1991 à 2001), notamment lors des deux mandats de Bill Clinton – le Dr Eleanor Concepcion « Connie » Mariano.
LE QUOTIDIEN : Pourquoi autant de soupçons et de spéculations autour de l'état de santé de Hillary Clinton, alors qu'elle et son médecin ne cessent de répéter qu'elle va bien ?
Dr LUDWIG DEPPISCH : Disons que Hillary Clinton n’a pas toujours été très transparente concernant son état de santé…
En 1998, lorsqu’elle a eu sa première thrombose veineuse, elle était en lice pour devenir sénateur de l’Etat de New York… Elle a volontairement choisi de cacher l'existence de cette pathologie pour éviter que cela ne la défavorise dans la course. Cet épisode n’a été révélé que beaucoup plus tard, dans son livre « Mon Histoire », paru en 2003. Son médecin de l'époque, le Dr « Connie » Mariano, n'a pu en parler que bien plus tard, une fois le devoir de confidentialité révoqué.
Hillary Clinton a eu deux autres épisodes thrombotiques par la suite, un en 2009 puis un très sérieux en 2012 – lorsqu'elle était secrétaire d’État. À la suite d'un voyage épuisant, alors qu'elle était affaiblie par une infection virale, Mme Clinton s'est évanouie et a fait une chute brutale avec commotion cérébrale. Après l'accident, elle a été arrêtée quelques jours : « Tout allait bien », a-t-on dit. Mais quatre semaines plus tard, ils ont dû la transporter en urgence au Presbyterian Hospital à New York – elle avait un caillot à la base du cerveau ! En 2013, Bill Clinton a confié qu'elle aurait mis six mois à s’en remettre.
Disons qu'en ce moment, elle n’a pas l’air particulièrement en forme et les déclarations de son équipe concernant son état de santé actuel n’ont pas été d’une transparence exemplaire. Après son malaise de dimanche, l'équipe a d'abord évoqué un « coup de chaud », pour ensuite révéler, quelques heures plus tard, que la candidate souffrait d'une pneumonie traitée depuis deux jours… Encore un mensonge donc, ça stimule l’imagination du public !
Ce n’est pas la première candidate à susciter des doutes sur sa santé ?
Non, certainement pas ! Et on n'a pas besoin de remonter très loin. En 2008, le candidat républicain John McCain, qui avait un historique de mélanome, a été au centre des spéculations concernant la probabilité d'une rechute, certains prédisant qu'il ne finirait jamais son mandat s'il était élu… Il a montré plus de 1 000 pages de documents médicaux à des journalistes et ça ne suffisait pas au public. En 2004, le candidat démocrate à l'élection présidentielle John Kerry, qui avait été opéré pour un cancer de la prostate, a aussi été harcelé par la presse…
D'autres se sont « mieux débrouillés »… John F. Kennedy, pendant la campagne présidentielle de 1960, a volontairement caché qu'il était atteint de la maladie d'Addisson, une déficience des glandes surrénales, qui peut causer des infections récurrentes, mais également une mort subite. Son frère « Bobby » était un manipulateur politique incroyable, il a dicté le rapport du médecin de John et cela est passé comme une lettre à la poste – le public a gobé.
Bien sûr que des médecins ont dû mentir pour leur président, c'est bien connu ! Franklin Roosevelt aussi a caché qu'il souffrait d'insuffisance cardiaque et d'hypertension. Il y avait des rumeurs, bien sûr, mais l'équipe de Roosevelt a tout simplement démenti. On a appris plus tard, dans un rapport confidentiel élaboré avant l'élection de 1944, que son médecin estimait qu'il ne survivrait probablement pas à son dernier mandat. Qui sait comment sa maladie a affecté ses décisions ? Était-il en pleine possession de ses moyens pendant les négociations à la conférence de Yalta ? Probablement pas…
En France, on privilégie le respect de la confidentialité médicale du président… Ce n'est donc pas le cas aux États-Unis ?
Oui, les médecins ont le devoir de respecter la confidentialité de leur patient. Mais le candidat ? On considère que si quelqu’un décide d’être président, il a une responsabilité envers le peuple et se doit de révéler à la population s’il souffre d'une maladie grave. Les présidents Wilson, Roosevelt ou JFK ont menti parce qu’ils voulaient être élus.
* Le Dr Deppisch a précisé qu'il voterait pour le candidat républicain Donald Trump à l'élection présidentielle américaine.
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