L'hypersensibilité aux ondes électromagnétiques est mal définie, difficile à diagnostiquer, et il n'existe pas de protocole de prise en charge dédié. Des manques que les autorités scientifiques et sanitaires semblent vouloir combler en coordonnant leurs efforts. C'est en tout cas ce qui est ressorti de la réunion organisée ce jeudi au sein de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST).
Les intervenants se sont accordés sur la qualité du rapport de l'ANSES publié en mars dernier, qui a réussi l'exploit de fédérer des intervenants d'habitude très opposés, de la commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants à l'association PRIARTEM et de l'Agence nationale des fréquences à Robins des toits. Ce rapport qualifié de « véritable avancée » par Jeanine Le Calvez, vice-présidente de PRIARTEM, constitue « une bonne base de travail », estime Cédric Villani, vice-président de l'OPECST.
« Notre objectif était de faire le point sur les actions à mener », explique-t-il au « Quotidien » à l'issue de la séance qu'il a présidée. « Il y a la question des études de provocation qui n'ont pas été concluantes et qu'il faudra refaire, indique-t-il. Ensuite, vient celle des cohortes avec lesquelles nous trouverons des réponses, mais cela prendra plusieurs années », poursuit-il. En attendant, « l'intervention du Pr Joe Wiart (directeur de la chaire caractérisation, modélisation et maîtrise des expositions, Université Paris Saclay N.D.L.R) montre qu'il est possible d'abaisser les niveaux d'exposition », conclut le mathématicien.
Pas de diagnostic scientifiquement validé
Comme le rappelle Olivier Merckel, chef de l'unité d'évaluation des risques liés aux agents physiques à l'ANSES, « aucune étude n'a mis en évidence une capacité des personnes se déclarant EHS [électro-hypersensibilité]à percevoir les radiofréquences. Quelques-unes, avec d'importantes limites méthodologiques, semblent montrer des réponses à des expositions aux basses fréquences. Par ailleurs, et malgré des tentatives basées sur des techniques d'imagerie, il n'y a pas aujourd'hui de diagnostic scientifiquement validé de l'EHS ».
Les critères retenus par l'OMS sont : des symptômes fonctionnels non spécifiques (irritations cutanées, troubles du sommeil…), une absence de signe clinique et biologique permettant de les expliquer et une attribution par les sujets de ces symptômes à une exposition aux ondes électromagnétiques. « Tout repose donc sur l'auto déclaration des personnes y compris lors des activités de recherche, résume Olivier Merckel. Chaque étude construit sa propre classification de l'EHS » !
L'ANSES a recensé 18 hypothèses explicatives, dont celle de l'explication totalement psychosomatique des troubles, mais « aucune n'apporte de compréhension du lien entre les symptômes et les expositions », reconnaît Olivier Merckel, pour qui « les symptômes, les souffrances et l'isolement social des patients sont réels. »
Un protocole de soin expérimenté à Cochin
Parmi ses recommandations, l'agence suggère de confier à la HAS la réalisation d'un rapport d'orientation, à l'image de celui rédigé en 2010 sur une autre pathologie mal identifiée : la fibromyalgie. Cette perspective ne convainc pas le Dr Catherine Grenier, directrice de l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins de la HAS : « Un rapport d'orientation serait un état des lieux des données disponibles. Est-ce que la HAS peut avoir une valeur ajoutée vis-à-vis du travail qui a été fait par l'ANSES ? Questionne-t-elle. En revanche, ce que nous pouvons faire c'est reconnaître le protocole d'accueil et de prise en charge actuellement expérimenté à Cochin. »
Un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) finance en effet l'expérimentation d'un protocole de prise en charge menée par le Dr Lynda Bensefa-Colas de l'unité « Pathologies professionnelles et environnementales » de l'hôpital Cochin. Les résultats de cette expérience sont attendus en 2019.
Sur la question des recherches à mener dans le domaine de l'électrosensibilité, le Pr Yves Lévy, président-directeur général de l'INSERM pointe également le problème du diagnostic et de la nosographie. « Il faudrait une analyse qui soit intégrée, avec un suivi longitudinal, qui ne se contente pas de lier ces troubles à un effet unique », estime-t-il. Aucune équipe de l'INSERM ne travaille spécifiquement sur la question de l'hypersensibilité, et aucun projet n'est financé par l'ANR, note en outre le Pr Levy. Les données sociodémographiques sont également très parcellaires : aucune estimation fiable n'existe quant à la prévalence de cette pathologie en France.
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