Comme l’a rappelé le Dr Ivan Berlin, tabacologue au CHU de la Pitié-Salpêtrière, lors du 11e congrès de la Société francophone de tabacologie, les aides médicamenteuses au sevrage tabagique sont relativement récentes.
La plus ancienne, la gomme nicotinique, a été mise au point en 1973, par Ove Fernö, pharmacologue suédois, qui réussi à mettre de la nicotine dans de la gomme à mâcher (les personnels navigants des sous-marins utilisaient déjà du tabac oral mais sous une forme différente). Il faut attendre vingt ans de plus pour que le Dr Murray Jarvik, psychopharmacologue américain, ait l’idée d’appliquer, à même la peau, des feuilles de tabac pour l’absorption de nicotine. Son brevet, vendu à Ciba-Geigy, a permis la mise au point du patch par le Pr Joël Menard, ancien directeur général de la santé.
Rumeurs incontrôlables
Le bupropion (Zyban) - dont les effets sur le sevrage tabagique ont été mis en évidence par une psychiatre californienne, le Dr Linda Ferry - a fait son apparition comme aide au sevrage en 2001. Enfin, la varénicline (Champix), développée comme un analogue de la fleur de cytise, en 2007. « Malgré leur efficacité (27 % de fumeurs abstinents à 6 mois après prescription de varénicline, 19 % avec le bupropion), ces produits font toujours l’objet de rumeurs incontrôlables sur d’éventuels effets indésirables, déplore le Dr Berlin. Les campagnes de dénigrement provoquent à chaque fois une explosion de signalements d’effets indésirables, et il s’avère très difficile de contenir l’impact de ces rumeurs. »
Parmi tous les médicaments d’aide au sevrage, la varénicline est sans conteste celle qui a suscité les plus vives attaques, y compris de la part de médecins traitants. Des pensées suicidaires ont été longtemps attribuées à ce médicament… Pour tirer les choses au clair, une vaste étude multicentrique sur la tolérance aux produits de sevrages a été lancée par le Dr Robert M. Anthenelli, de San Diego, auprès de 8 144 fumeurs de 18 à 75 ans dans 16 pays. « Cette étude randomisée en aveugle, intitulée Eagles (Evaluating adverse events in global smoking cessation study) était nécessaire pour faire taire les multiples alertes », explique le Pr Daniel Thomas, cardiologue à l’institut cardiologique de la Pitié-Salpêtrière. Elle étudie la tolérance et l’efficacité de trois aides au sevrage tabagique, la varénicline, le bupropion, les substituts nicotiniques, contre placebo. L’échantillon de fumeurs est divisé en deux groupes : ceux présentant des antécédents psychiatriques, et ceux n’ayant aucun antécédent. Publiés dans « The Lancet » en avril 2016, les résultats ne révèlent pas de survenue significative d’évènements indésirables psychiatriques.
Pas de surrisque
Pour l’ensemble des deux cohortes, le taux de survenue d’évènements est de 4 % sous Champix, 4,5 % sous bupropion, 3,9 % sous patch, et 3,7 % sous placebo. « L’étude met en lumière plus d’évènements dans la cohorte de fumeurs ayant des antécédents psychiatriques (6,5 % pour le Champix, 6,7 % pour le bupropion, 5,2 % pour les packs et 4,9 % pour le placebo) mais ne montre pas de surrisque significatif entre les différents traitements et le groupe placebo », précise le Pr Thomas. Globalement, l’anxiété et la dépression diminuent avec les trois produits. Les effets indésirables les plus fréquents sont les nausées (25 %) pour la varénicline, l’insomnie (12 %) pour le bupropion, les rêves anormaux (12 %) pour les patchs et les céphalées (12 %) sous placebo.
À la suite de la publication de ces résultats, l’agence européenne du médicament a retiré, en mai 2016, la mise en garde sur le risque suicidaire de la varénicline. Un nouveau RCP (résumé des caractéristiques du produit) est disponible sur le site de l‘agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Pourtant, la suspicion subsiste, y compris chez certains praticiens. « Certains de mes patients suivis pour des cancers pulmonaires ont cessé de prendre le Champix sur injonction de leur médecin traitant », déplore une praticienne de Valence, qui n’hésite pas à parler de perte de chance.
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