Enfants nés par GPA à l’étranger : plaidoyer pour une inscription à l’état civil, sous condition

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Publié le 20/05/2015

Crédit photo : S. TOUBON

Le procureur général de la Cour de cassation Jean-Claude Marin va recommander à la haute juridiction l’inscription à l’état civil des enfants nés à la suite d’une gestation pour autrui (GPA), dès lors qu’une expertise judiciaire – c’est-à-dire un test génétique de paternité – prouve le lien de filiation biologique avec le père.

Le cas de la mère n’est pas évoqué, car Jean-Claude Marin officialisera sa position dans le cadre de l’examen spécifique, le 19 juin, de deux pourvois formés par deux pères, dont les enfants sont nés par GPA en Russie. Saisie des deux affaires, la cour d’appel de Rennes avait refusé l’inscription dans le premier cas en avril 2014, mais avait accepté le second, en décembre.

Changement de position

La Cour de cassation est ainsi appelée à réviser sa position habituelle : jusqu’à présent, et encore en septembre 2013, elle a rejeté tous les pourvois relatifs à l’inscription à l’état civil d’enfants nés de mères porteuses à l’étranger, considérant que c’était « l’aboutissement d’un processus frauduleux qui ne pouvait produire aucun effet ».

Mais depuis, fait valoir le procureur général, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné en juin 2014 la France pour n’avoir pas reconnu la filiation d’enfants nés par GPA. Si la France a bien le droit d’interdire la GPA sur son territoire, elle ne peut porter atteinte à « l’identité » des rejetons en leur interdisant la transcription de leur état civil, au nom de « l’intérêt supérieur de l’enfant et de son droit à la protection de sa vie privée dont l’identité est l’un des éléments ».

Oui à la transcription, non à la GPA, selon Taubira

La garde des Sceaux Christiane Taubira a exigé ce mardi 19 mai, devant l’Assemblée nationale, « le respect des décisions de justice, de la même façon que le gouvernement devra exécuter les décisions de la CEDH ; le gouvernement y travaille ».

Elle réagissait notamment à la décision du tribunal de grande instance de Nantes, le 13 mai, de transcrire sur les registres français les actes de naissance trois enfants nés par GPA en Ukraine, en Inde et aux États Unis. Le parquet de Nantes a depuis annoncé avoir fait appel de ce jugement.

« Il s’agit d’une décision de justice qui ne traite pas de la GPA, mais de la transcription d’actes de naissance étrangers d’enfants nés à l’étranger par GPA (...) Nous réaffirmons l’interdiction de la GPA mais en tenant compte de la réalité de la situation des enfants », a-t-elle répondu à la députée UMP François Guégot qui estimait que « la GPA est entrée dans notre pays par la petite porte avec la complicité hypocrite de notre gouvernement ».

Le défenseur des droits appelle le gouvernement à trancher

« Nous sommes dans un pays où nous veillons à protéger les enfants. Il s’agit d’enfants en chair et en os, d’enfants qui vont à l’école, d’enfants de ce pays, de la République ! », a conclu Christiane Taubira.

Des propos jugés « un peu incantatoires » par le défenseur des droits Jacques Toubon, qui a rappelé son opposition à la GPA en France, tout en se disant « favorable » à la transcription de l’état civil des enfants. « Si la Cour de cassation prend la position de son procureur général, je m’en félicite », a-t-il commenté.

Et d’appeler la ministre de la Justice à clarifier les choses. « En l’absence de décision du gouvernement, il y a des décisions contradictoires, il va falloir trancher (...). La garde des Sceaux a une double position, avec une circulaire prescrivant de délivrer un certificat de nationalité, mais elle n’a donné aucune instruction sur l’état civil », a-t-il observé.

Coline Garré

Source : lequotidiendumedecin.fr