L'ampleur de l'épidémie Ebola 2013-2016 s'est-elle accompagnée de mutations du virus augmentant l'infectivité chez l'homme ? C'est l'hypothèse que viennent de vérifier deux études indépendantes aux conclusions similaires dans le même numéro de la revue « Cell ».
Les deux équipes montrent qu'une mutation en particulier, appelée A82V, est en cause. Cette mutation touchant une glycoprotéine de surface est apparue tôt au cours de l'épidémie, dès juillet 2014, juste avant que le virus ne commence à se répandre de façon exponentielle. Selon l'étude américaine dirigée par Jeremy Luban et William Diehl, la version A82V du virus est responsable de plus de 90 % des infections lors de la dernière épidémie.
Le virus s'est adapté à l'homme
« Le phénomène était très attendu, explique au « Quotidien » Étienne Simon-Lorière, chercheur à l'Institut Pasteur au sein de l'unité de génétique fonctionnelle des maladies infectieuses et co-auteur de l'étude internationale dirigée par Jonathan Ball à l'université de Nottingham. Le réservoir naturel du virus est animal et vraisemblablement la chauve-souris. C'est classique que le virus évolue lors du passage à un nouvel hôte pour gagner en infectivité. Dans notre étude, nous avons montré clairement en culture cellulaire que l'adaptation à l'homme se fait au détriment de l'infectivité chez la chauve-souris. Il existe une balance entre les deux : plus l'infectivité chez l'homme augmente, plus celle chez la chauve-souris diminue et vice versa. ».
Est-ce que l'augmentation de l'infectivité virale s'accompagne d'une gravité plus forte ou à l'inverse moindre ? « C'est très tentant de faire un lien avec une gravité plus forte, explique Étienne Simon-Lorière. Contrairement au VIH ou à la grippe où les porteurs sains contribuent à diffuser les virus, le système de propagation virale est différent pour Ebola. Seuls les sujets symptomatiques sont transmetteurs. Moins un virus est virulent, plus il a du mal à se transmettre et à l'inverse, plus la charge virale est forte, plus le cycle de réplication est apte à infecter les cellules. ».
Un lien tentant avec la gravité
Le chercheur français reste néanmoins mesuré. « On ne peut établir aucune corrélation certaine avec la gravité, poursuit-il. Beaucoup d'autres paramètres entrent en ligne de compte : le virus lui-même, les pratiques funéraires et la non-préparation des gens. Mais c'est une coïncidence troublante de constater que l'épidémie était plus sévère en Guinée, quand le virus est revenu dans le pays avec la mutation. »
De lson côté, l'équipe de Jeremy Luban conclut avec autant de prudence que la glycoprotéine mutante a pu contribuer à la forte mortalité au cours de la dernière épidémie. L'épidémie 2013-2016 est la plus meurtrière jamais enregistrée avec plus de 28 000 sujets infectés et 11 000 décès.
Collaboration entre laboratoires
Selon l'équipe américaine, l'émergence de ce mutant ne représente pas une menace pour l'avenir. Comme l'explique Kristian Andersen, chercheur au Scripps Institute et co-auteur : « Il est important de comprendre qu'une fois l'épidémie terminée, ce virus particulier va vraisemblablement disparaître. En revanche, ces résultats sont importants parce qu'ils répondent à la question de savoir si le virus Ebola peut acquérir lors d'épidémies des mutations qui peuvent potentiellement changer la fonction des protéines virales. »
Les deux équipes ont tenu à saluer la forte collaboration avec d'autres laboratoires de recherche. « C'est un nouveau souffle pour la recherche, se réjouit Étienne Simon-Lorière. L'épidémie d'Ebola a provoqué un réel partage des données et une mise en commun des ressources. On est très loin de ce qui se faisait jusqu'alors, où tout le monde gardait ses infos jusqu'à leur dernière minute. Pour cette publication, nous nous sommes concertés avec l'équipe de Jeremy Luban pour soumettre nos travaux en même temps, c'est très chouette. »
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