L'Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) a relevé « trois manquements majeurs » du laboratoire Biotrial dans la gestion de l'essai clinique qui a tourné au drame mi-janvier à Rennes, a indiqué Marisol Touraine, lors d'une présentation jeudi à la presse d'une première note d'étape de l'enquête. Des manquements relatifs, selon elle, non pas au respect de la réglementation pas mais à « la gestion de crise ».
« L'inspection ne considère cependant pas qu'ils justifient la suspension à titre conservatoire de l'autorisation de conduire les essais accordée au laboratoire Biotrial », a-t-elle rapporté, précisant néanmoins que ce pré-rapport ne permettait « pas d'identifier les causes exactes » de l'accident qui a fait un mort en janvier parmi les volontaires de l'essai.
Poursuite des injections dès le lendemain de la 1re hospitalisation
Le rapport de la police sanitaire a notamment constaté que « le laboratoire ne s'est pas tenu suffisamment informé de l'état de santé du premier volontaire hospitalisé ». Il a, en outre, dès le lendemain matin, lundi11 janvier, procédé à une nouvelle administration de la molécule chez les autres volontaires. Autre manquement : « le laboratoire n'a pas formellement informé les autres volontaires » de l'accident survenu. Ce qui ne leur a pas permis de confirmer « de manière éclairée » leur consentement à la poursuite de l'essai. Enfin, l'IGAS relève que Biotrial a tardé à signaler l'accident aux autorités alors que « la gravité de l’événement survenu constitue un fait nouveau susceptible de compromettre la sécurité des volontaires ».
Selon les inspecteurs, cet accident aurait dû être déclaré sans délai à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Or, « Le laboratoire n'a procédé à une déclaration formelle que le jeudi14 janvier, soit quatre jours après la première hospitalisation et trois jours après la décision d'interrompre l'essai », a rappelé Marisol Touraine.
La réglementation a été respectée, mais...
Toutefois, le rapport note que la « procédure a été intégralement respectée » lors de cet essai, et que le protocole suivi par le laboratoire est conforme à « la réglementation habituelle ». L’agence régionale de santé de Bretagne avait bien accordé à la société Biotrial une autorisation de lieu répondant aux exigences requises et les conditions dans lesquelles l’essai a été autorisé ne contreviennent pas à la réglementation dans son état actuel.
Mais l'IGAS relève cependant trois points importants. Le premier porte sur la nature des informations à fournir à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) dans le cadre du dossier pré-clinique. La mission constate que la réglementation actuelle ne prévoit pas que l’ensemble des informations disponibles soit transmis. S’agissant du protocole : si la mission ne remet pas en cause sa conformité globale, elle souligne toutefois que certaines de ses dispositions « manquent de précision ». L’Inspection constate enfin que, si les analyses du Comité de protection des personnes (CPP) ont permis d’améliorer le protocole, « la clarification des critères d’éligibilité des volontaires sains dans l’essai aurait pu être plus approfondie, notamment s’agissant des habitudes de consommation de substances psychoactives ».
Rappel aux ARS et aux promoteurs d’essais
La ministre a annoncé sa décision d'adresser dans les prochains jours une instruction aux agences régionales de santé (ARS), afin qu'elles rappellent à tous les responsables de lieux d’essais cliniques de phase I, leurs obligations en matière de déclaration aux autorités sanitaires des événements indésirables graves inattendus et des faits nouveaux survenus.
« Je demande solennellement à tous les promoteurs d’essais cliniques et investigateurs, que tout événement entraînant, dans le cadre d’un essai sur volontaire sain, l’hospitalisation de celui-ci, soit qualifié de "fait nouveau" et fasse l’objet d’une déclaration sans délai aux autorités sanitaires », a-t-elle insisté. Une qualification qui dorénavant devra conduire à la suspension immédiate de l’étude jusqu’à ce que soit garantie la sécurité des volontaires. La ministre a, du reste, insisté sur l'obligation d'informer clairement les volontaires sur la suspension de l’étude et ses raisons. « Je demande que soit obtenu leur consentement éclairé et écrit avant toute reprise de l’étude. »
Pour de nouvelles règles européennes
Autant de mesures qu'elle entend inscrire dans une très prochaine réforme de la réglementation européenne. « Je vais proposer à la Commission européenne la mise en place urgente d’un comité d’experts internationaux pour renforcer la protection des volontaires sains dans les essais cliniques », a-t-elle annoncé.
Cet essai a conduit au décès d'un homme de 49 ans et occasionné cinq hospitalisations, dont quatre pour troubles neurologiques et une par précaution. À ce jour, les cinq patients hospitalisés ont tous pu rentrer chez eux. Leur état de santé sera réévalué fin février par le service de neurologie du CHU de Rennes. Les 90 personnes ayant participé à cette étude ont été contactées. Parmi elles, 75 ont été examinées et ont eu une IRM. À ce stade, les anomalies cliniques et radiologiques présentes chez les patients hospitalisés n’ont été retrouvées chez aucun autre volontaire.
Les analyses, notamment pharmacologiques, se poursuivent. Les travaux de l’IGAS donneront lieu à un rapport définitif qui sera remis avant la fin du mois de mars.
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