« L'accident survenu lors de l'essai clinique de Rennes ne peut pas être lié au système endocannabinoïde, a affirmé au « Quotidien » le Pr Pier-Vincenzo Piazza, directeur du neurocentre Magendie de l'INSERM. Les seuls problèmes rencontrés à ce jour se sont posés avec des inhibiteurs de ce système. Or le produit testé a, au contraire, un effet stimulateur. Au moins 3 autres molécules ayant le même mode d'action sont d'ailleurs actuellement en fin d'essai de phase 2 sans avoir causé aucun incident. »
La demande déposée en avril par le groupe portugais BIAL, pour l'essai de phase 1 du BIA 10-2474 répondait à toutes les garanties, selon l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), quand l'étude a été confiée au laboratoire d'essai français Biotrial. Le produit testé pour ses propriétés antalgiques est un inhibiteur de l'enzyme FAAH. Celle-ci intervient dans la dégradation de l'anandamide, un cannabinoïde endogène présent naturellement dans l'organisme. « Or les expériences menées sur le cannabis, avec des doses beaucoup plus élevées que celles administrées lors de l'essai de Rennes, n'ont jamais permis d'observer des complications comme celles présentées par les volontaires hospitalisés », a-t-il précisé.
L'hypothèse la plus probable : un effet de la molécule « off target »
Le spécialiste pense, comme l'a évoqué Dominique Martin, directeur général de l'ANSM, à un effet « off target ». Soit un effet de la molécule dépassant la seule inhibition de la FAAH et agissant sur d'autres récepteurs que ceux du système endocannabinoïde.
Dans le cadre de cet essai thérapeutique, 90 personnes ont reçu la substance. L’apparition des effets indésirables graves a eu lieu lors de l’administration de la dose testée la plus élevée chez six de ces volontaires dont l'un est décédé le 17 janvier. « Je ne pouvais plus parler, plus bouger » : témoigne l'un d'entre eux dans un entretien publié lundi 29 février dans « le Maine Libre ».
Ce Sarthois de 42 ans, avait été hospitalisé dans un état grave à l'unité de soins intensifs neurovasculaires du centre hospitalier de Rennes, avec cinq autres patients ayant testé la même molécule au centre de recherches Biotrial. Il souffre encore de séquelles neurologiques : « J'ai des vertiges, des malaises si je reste plus de dix minutes debout. Et je vois toujours double. Les médecins ont espoir que ça revienne dans six mois ou un an. Mais ils ne sont pas sûrs », a-t-il confié.
Maux de tête, étourdissements, malaises
Il avait commencé à prendre le traitement le 7 janvier. Le 11, les premiers maux de tête sont apparus. « Le 13, quand je me suis levé, j'avais des étourdissements, je ne voyais plus rien. J'ai voulu prendre une douche et je n'y arrivais pas. Quand j'ai voulu ranger mes affaires dans le vestiaire, je suis tombé », se souvient-il. « À l'IRM, il y avait des taches de sang et des traces blanches dans mon cerveau ». Son état s'aggrave les deux jours suivants malgré un premier traitement.
« Tous ces patients présentaient des lésions plus ou moins graves de l'hippocampe, remarque le Pr Piazza. Celles-ci peuvent être soit de type cytotoxique soit vasculaire. Il y a sans aucun doute un problème avec cette molécule, mais nous ne disposons pas d'assez d'éléments d'information. » Pour l'heure, le CHU de Rennes refuse toute communication. L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a relevé, quant à elle, des « manquements majeurs » dans un rapport d'étape rendu début février, reprochant notamment à Biotrial d'avoir à nouveau administré la molécule aux autres volontaires le lendemain de l'hospitalisation du premier volontaire. Le rapport définitif est attendu fin mars. Entre-temps, le comité d'experts internationaux mandaté par l'ANSM pour l'enquête devrait se prononcer.
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