La ministre de la Santé Marisol Touraine a présenté ce 6 juillet à la commission de suivi des victimes des essais nucléaires un nouveau projet de décret d'application de la loi Morin du 5 janvier 2010, qui révise les critères d'évaluation des personnes touchées, en vue d'une meilleure indemnisation.
« Il faut aller plus loin pour rendre ces critères plus accessibles. Il s'agit d'un sujet très technique et la méthode est aujourd'hui peu compréhensible pour les victimes », a reconnu Marisol Touraine. « La loi n'a pas produit les effets escomptés », a-t-elle déclaré le même jour devant les députés.
Entre sa création en 2010 et septembre 2015, moins de 1 000 demandes d'indemnisations (dont moins d'une centaine de dossiers polynésiens) ont été formulées auprès du Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN).
Seulement 20 indemnisations ont été accordées, pour des Polynésiens, victimes de cancers, leucémie, etc. Les autres dossiers ont été rejetés, au motif que les maladies ne sont pas considérées comme liées aux essais, dont les risques seraient négligeables. La ministre a admis « un manque de confiance vis-à-vis d'un dispositif reformé (il est devenu une autorité administrative indépendante en 2014, ndlr) et un manque d'information disponible, notamment pour les personnes les plus éloignées de l'accès aux droits ».
Abaissement du seuil pour le risque négligeable
Le projet de décret abaisse le seuil de probabilité au-delà duquel le risque ne peut être considéré comme négligeable à 0,3 %, contre 1 % avant. En outre, le CIVEN est invité à tenir compte de l'incertitude liée à la sensibilité de chaque individu aux radiations et à la qualité des relevés dosimétriques, a ajouté la ministre.
Ensuite, la présomption ne peut être écartée au titre du « risque négligeable » lorsqu'il n'existe pas de données dosimétriques et en l'absence de mesures de surveillance, pourtant nécessaires.
Dernière modification, les demandeurs pourront s'exprimer au cours de l'examen du CIVEN par visioconférence : « Les moyens nécessaires à une telle organisation seront assurés par l'État », assure la ministre, évoquant la distance entre métropole, Polynésie, et Algérie.
Les victimes qui ont été déjà déboutées peuvent déposer une nouvelle demande. Les professionnels de santé en Polynésie seront formés pour repérer de potentielles victimes et les aider à solliciter le CIVEN.
Insuffisant et injuste, selon les associations
Ce nouveau décret va permettre à quelques personnes supplémentaires d'être indemnisées, mais il reste insuffisant, aux yeux des associations. « L'injustice ressentie est de plus en plus forte. Nous ressentons un grand malaise et une certaine forme de révolte face à un État qui nous méprise depuis si longtemps », a expliqué Roland Oldham, président de l'association « Mururoa et Tatou », lors d'une conférence de presse organisée par la sénatrice des Seine-Saint-Denis Aline Archimbaud, vice-présidente de la délégation sénatoriale à l'Outre-mer.
« Il y a eu 193 essais nucléaires entre 1966 et 1974 dans les atolls de Mururoa et Fangataufa, soit une explosion tous les deux mois, soit 900 fois la bombe d'Hiroshima », a rappelé le père Auguste, président de l'association « 193 ». Il a indiqué qu'une pétition, réclamant la reconnaissance de l'État, avait recueilli 45 000 signatures, soit 1 Polynésien sur 4.
Les associations réclament de la part de l'État français une demande de pardon sincère, et, pour Patrice Bouveret, de l'Observatoire des armements la suppression de la notion de risques négligeables, et la reconnaissance du caractère transgénérationnel de la radioactivité.
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