LE PÔLE Santé et Sécurité des soins du Médiateur de la République, encore appelé par son sigle, P3S, « a démontré son utilité, et la pertinence de son action », souligne le rapport mis en ligne sur le site www.securitésoins.fr. Les chiffres en témoignent : après deux ans d’existence, le pôle a reçu 13 723 requêtes, presque trois fois plus qu’en 2009 (4 800), une augmentation qui s’explique sans doute par une meilleure visibilité du service chargé au sein du Médiateur de la République d’améliorer le dialogue entre les usagers du système de soins et les professionnels de santé. Le pôle a innové en multipliant les moyens permettant aux usagers de le contacter. S’il reste possible de le saisir par l’intermédiaire des parlementaires ou des délégués du médiateur présents sur l’ensemble du territoire ou encore par courrier, les demandes sont désormais possibles directement sur le site Internet ou sur la ligne d’écoute anonyme et confidentielle(numéro Vert 0810.455.455) ou sur le site. En 2010, le centre d’appel a permis le recueil des plus de 80 % des demandes.
Une cellule pour les professionnels.
Parmi ces requêtes, 18 % ont été adressées par des « professionnels, en situation de dialogue bloqué avec un patient, subissant un isolement professionnel après un accident médical ou menacé dans leur activité », indique le rapport. Le phénomène a conduit à la mise en place, au cours de l’année 2010, d’une cellule d’accompagnement et de soutien des professionnels de santé. Celle-ci intervient « dans la prise en charge du stress post-traumatique de professionnels confrontés à des situations complexes et sensibles ».
Le rapport fait le point sur les grandes tendances de l’année écoulée, dont certaines concernent les professionnels de santé et les débats qui agitent aujourd’hui l’hôpital : « Usure des professionnels : l’hôpital sous haute tension », titre le document, ou encore « Engorgement des urgences : des problématiques persistent ». Le pôle explique ainsi que « les professionnels et les patients sont pris dans un mouvement brownien permanent » entraînant « une tension qui se durcit ». Les causes sont connues : démographie vieillissante, accroissement continu de la charge de travail, contrainte budgétaire et rapport au patient et à ses proches rendu plus difficile en raison d’un niveau d’exigence plus élevé.
Quant aux services d’urgences, où les situations de stress et de charge de travail sont fréquentes, conduisant à l’épuisement des professionnels, le rapport insiste sur certains de leurs dysfonctionnements : « Une proportion croissante de personnes âgées est orientée vers les services d’accueil des urgences faute de réponses adaptées en amont de l’hôpital (permanence des soins non assurée) ». D’une façon générale, estime le pôle, les services d’accueil reçoivent de plus en plus de patients en situation précaire, une population « plus agressive et moins compliante aux soins », ce quia forcément des conséquences sur l’organisation des services et sur le temps que les soignants peuvent consacrer aux seuls soins.
Menace de mort et agression.
Une des tendances observées en 2010 a été la plus grande diversité des demandes. Si la majorité des dossiers concernent toujours les événements indésirables médicaux ou chirurgicaux (39 % contre 60 % en 2009), d’autres thèmes, comme la maltraitance à l’encontre des patients ou leurs proches ou la violence à l’égard des professionnels de santé, sont en augmentation (20 %). « La violence continue de s’introduire au cœur de l’hôpital aux dépens des professionnels de santé », insiste le pôle, qui rapporte quelques cas : menace de mort contre un anesthésiste à la suite d’une complication rare, agression d’une infirmière par un patient...
L’augmentation des cas de maltraitance témoigne, selon le rapport, « d’une prise de conscience collective ». Le phénomène n’est plus nié. Viennent en appui du propos quelques exemples dont certains ont fait l’objet d’articles ou de témoignages publiés dans la lettre mensuelle d’actualité diffusée sur le site du pôle. Ainsi, cet homme handicapé qui décède dans une clinique des suites d’une occlusion intestinale prise en charge tardivement malgré les alertes incessantes de la mère. « Votre fils coûte déjà bien assez cher à la Sécurité sociale », lui rétorque-t-on. Ou cet autre patient, un garçon de 14 ans, opéré d’une appendicite à qui le chirurgien assène : « Pourquoi je t’ai opéré ? De toute façon tu es entouré de graisse et tu vas bientôt crever. »
Deux catégories de patients font l’objet d’une attention particulière, les patients psychiatriques et les détenus malades. À propos des premiers, le rapport évoque « des prises en charge discriminatoires », citant le cas de deux patients atteints de schizophrénie pour lesquels les médecins sont passés à côté du diagnostic d’une affection somatique. L’un d’eux, âgé de 46 ans, est décédé d’un choc septique faute d’avoir été transféré en réanimation. Devant l’aggravation de son état, seule une contention physique est ordonnée. « Le Pôle santé a été saisi de plusieurs affaires comparables, posant la question d’une sous-évaluation des pathologies urgentes chez les malades psychiatriques et les personnes en situation de handicap psychique », relève le rapport. Dans le cas des détenus, l’exemple cité est celui d’un diabétique insulino-dépendant en maison d’arrêt qui a dû attendre plusieurs jours avant d’avoir ses injections d’insuline. Malgré les nombreux textes et recommandations fixant les conditions de prise en charge de ces patients, le dispositif reste « perfectible », souligne le pôle.
Voile et fin de vie.
Certaines des autres grandes tendances de l’année passée font écho à d’autres enjeux de société, l’application du principe de laïcité à l’hôpital et la fin de vie. « Le personnel doit souvent s’adapter à certains rites » précise le rapport. Il doit ainsi remettre à plus tard des soins parce que le malade doit faire sa prière, reporter des prises de sang parce que le patient observe le ramadan ; il peut être confronté au refus de certaines patientes d’être examinées par un homme ou de se dévoiler voire de se déshabiller. Le Médiateur recommande « la mise en place de référents entre les établissements de santé et les différentes obédiences ». Un fait nouveau est signalé : le port par le personnel soignant de signes religieux ostensibles comme le voile, contrevenant à la circulaire du 2 février 2005.
À propos de la loi Leonetti, le rapport ne peut que constater : « Au cours de l’année, le pôle a été destinataire de près d’une cinquantaine de témoignages qui ont permis de faire le même constat : les principales dispositions de la loi du 22 avril 2005 sur la fin de vie sont souvent ignorées ou mal comprises et en sont, en conséquence, pas ou insuffisamment appliquées. Méconnue des professionnels, la loi l’est tout autant des malades et de leurs familles. » Le rapport souligne toutefois quelques difficultés dans son application, comme la frontière ténue entre « laisser mourir » et « faire mourir », les difficultés liées à la définition de la personne de confiance – peu ont été désignés à ce jour –, le fait que la décision reste avant tout une décision médicale.
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