Une refonte totale du système de santé pour y faire revivre « l'idéal républicain ». C'est ce que propose l'économiste libéral Frédéric Bizard dans une note présentée ce mardi par le think tank « Institut Santé » dont il est le fondateur.
Selon cet organisme composé de personnalités de renom et d'experts*, l'urgence est telle que si la refondation n'a pas lieu, notre modèle républicain de santé et d'assurance-maladie disparaîtra au profit d'un modèle étatique à l’anglaise. Le programme comprend « des dépenses nouvelles » mais permettrait in fine « un solde global d’économies de 10 milliards d’euros sur trois ans ».
Du soin vers la santé
Schématiquement, il convient d'établir un « nouvel ordre médical », dominé non plus par les maladies infectieuses mais par les pathologies chroniques. L'objet privilégié du soin n'est plus (seulement) le corps du malade mais ses conditions d’existence et son milieu de vie.
Sur ces bases, les espaces médicaux tels que les hôpitaux et cliniques ne sont plus au cœur du système mais c'est plutôt le patient dans son environnement (et les professionnels de santé qui le prennent en charge). La relation médecin/malade passe d'un rapport de pouvoir où le patient est « soumis » au praticien à une relation où il est artisan de sa propre santé, beaucoup plus impliqué. Quant aux principes de traitement, ils évoluent aussi des médicaments et de la chirurgie vers les comportements de vie et de prévention (alimentation, activité physique, gestion du stress).
Médecins managers
Deuxième axe : la réforme des ordonnances de 1958 (sur les CHU) et une refonte de l'hôpital. Ce dernier doit être « resitué » au sein d'un maillage régional, où le projet médical est systématiquement défini avec la ville, en fonction des besoins du territoire. Trois niveaux sont retenus : la tête de réseau pour l'activité ultra-spécialisée, le centre généraliste de moyen et long séjour et l’établissement ambulatoire spécialisé. L'autonomie des hôpitaux est renforcée dans leur gestion et leur management.
Au sein même de l'hôpital, il faut rénover l'organisation des pôles et former les médecins à occuper « des postes managériaux, y compris de direction ». Le statut de praticien hospitalier doit être toiletté. « Il faut limiter les médecins à deux valences, précise le Pr René Frydman, gynécologue et membre du comité d'orientation stratégique. On ne peut pas mener correctement de front l'enseignement, la recherche et les soins ! » Il plaide également pour davantage de mobilité géographique et la possibilité de travailler deux jours par semaine hors de l’hôpital.
La note insiste sur la « transparence » des résultats et la qualité des prestations hospitalières, via des indicateurs de performance reconnus.
En ville, des contrats de soins
L'Institut Santé veut chambouler l'organisation des soins de ville, avec une vraie décentralisation. Ainsi, une nouvelle gouvernance territoriale des soins de ville (composée de professionnels de santé et de citoyens) serait définie à l’échelle de « bassins de vie » (120 000 habitants) et responsable d'un cahier des charges précis (accès aux soins, PDS, formation des internes, fonctionnement de pôles médicaux de proximité, etc.). « En tout, 550 structures de gouvernance territoriale pourraient être créées, avec 100 médecins généralistes par structure », précise le Pr Olivier Saint-Lary, vice-président du Collège national des généralistes enseignants (CNGE) et membre de l'Institut.
Objectif : le désengorgement des urgences et une permanence des soins (PDS-A) plus efficiente. L'Institut propose aussi de mieux former les internes aux soins urgents, de doubler les stages en ambulatoire pour les internes ainsi que le nombre de généralistes enseignants tout en rémunérant mieux les maîtres de stage.
Proposition originale, la prise en charge des patients chroniques serait régie par un « contrat thérapeutique » entre le patient, l’assurance-maladie et le médecin traitant (précisant les engagements de chaque partie). Il comprendrait le programme personnalisé de soins, les informations clés sur la pathologie et serait signé dès la reconnaissance de l'ALD, ouvrant droit au 100 %.
Il est proposé un taux unique de remboursement des médicaments, autour de 60 %, permettant de se concentrer sur les produits à service médical rendu élevé.
Secrétariat d'État à la Santé publique
Face à l'« émiettement mortifère » des institutions de santé publique, le cercle de réflexion propose de créer un secrétariat d’État à la santé publique avec double tutelle (Premier ministre et ministre de la Santé). C'est cette gouvernance unifiée qui doit illustrer le « basculement du centre de gravité de notre système du soin vers la santé ».
En lieu et place des agences et hauts conseils actuels, un Institut pour la qualité et l’équité en santé (IQES) sera créé, « bras armé de l’État » pour définir une stratégie nationale de santé. Il devra évaluer les structures et les pratiques, et regroupera la Haute Autorité de santé (HAS), Santé publique France, le service statistique du ministère (DREES)… Objectif : une augmentation des dépenses de prévention sur cinq ans « à hauteur de 3 % de la dépense courante de santé », soit une hausse de trois milliards d’euros (centrée sur la médecine scolaire et la prévention collective).
Autre proposition forte : l’UNCAM (Union nationale des caisses d'assurance-maladie) piloterait totalement les trois secteurs du soin – ville, hôpital et médico-social. La détermination des règles de tarification des établissements (publics et privés), une des prérogatives de l'État, serait donc dévolue à l'assurance-maladie. À l'échelon régional, les URCAM reprendront aux ARS la régulation de l'offre de soins, à la fois territoriale et économique !
Exit le contrat collectif dans les entreprises
Une nouvelle architecture du financement de la santé est avancée avec un principe : une prestation de santé est payée par un « financeur unique ». Les avantages du modèle à payeur unique sont « multiples », assure Frédéric Bizard : meilleure gestion du risque, lisibilité accrue, baisse des frais de gestion, etc.
Le think tank propose de créer un régime santé universel (RSU), par la « mise en concurrence » de deux opérateurs publics de financement (régime général et la MSA). Les autres opérateurs seront fusionnés dans le régime général et les assurés auront un libre choix entre les deux opérateurs du marché.
Dans les entreprises, les contrats collectifs seront supprimés afin de générer « des milliards d’euros d’économie » à réinvestir dans la santé au travail. En revanche, le financement des indemnités journalières (IJ) leur sera transféré à hauteur d'un ou deux milliard d'euros « pour les arrêts les plus liés à l’organisation du travail ».
* Parmi ces experts : Alain Coulomb, ancien président de la HAS ; le Pr Alain Deloche, professeur émérite Paris V, chirurgien cardiaque ; le Dr Florence de Rohan-Chabot, psychiatre, ex-présidente de l’InterSyndicat national des chefs de clinique et assistants (ISNCCA) ; le Pr René Frydman ; ou encore le Pr Olivier Saint-Lary, vice-président du CNGE.
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie