Les produits du tabac et du vapotage vendus en France comportent encore des ingrédients interdits, et notamment certaines substances dites CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique). C’est un des enseignements d’un panorama inédit de ces produits, mis à disposition du public (tabac et vapotage) par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES).
« La France est le premier pays européen à rendre public un si grand volume d’informations », souligne Matthieu Schuler, directeur de l’évaluation des risques de l’ANSES, rappelant que son agence est chargée de collecter en France les données des fabricants des produits du tabac et du vapotage, comme le prévoit une directive européenne de 2016.
L’ANSES a ainsi scruté les déclarations des fabricants des produits présents ou déclarés sur le marché français, enregistrées entre mai 2019 et juin 2020. Plus de 3 000 produits du tabac (déclarés par 85 fabricants) et plus de 30 000 produits de vapotage (près de 700 fabricants) sont concernés.
Des cas de non-conformité à la réglementation
Cette analyse a permis de mettre en évidence des « non-conformités portant sur des émissions supérieures au seuil réglementaire pour certaines cigarettes ou une concentration trop élevée en nicotine dans certains produits du vapotage », souligne l’ANSES, qui en a informé les fabricants et les autorités.
Mais l’analyse révèle surtout qu’en 2019-2020, 0,4 % des produits du tabac (12 produits) et 3,5 % des produits du vapotage (962 produits) contenaient encore au moins un ingrédient CMR. Sur la même période, 0,19 % des produits du tabac (6 produits) et 0,06 % de ceux du vapotage (17 produits) étaient composés d’au moins un ingrédient interdit (vitamine, caféine, taurine).
Par ailleurs, « la fumée de tabac contient plus de 7 000 substances chimiques, dont au moins 70 sont identifiées comme cancérigènes », détaille Benoît Labarbe, responsable de la mission « tabac » à l'ANSES. Plus de 850 additifs sont par ailleurs référencés pour les produits du tabac. Ces additifs (qui dissimulent l’âpreté du tabac brut) sont plus ou moins nombreux selon les produits : un seul pour les cigares, une trentaine en moyenne pour les cigarettes, et même plus pour le tabac à pipe.
Des liquides pour e-cigarettes sans obligation de déclaration
Dans le cas des produits de vapotage, près de 1 200 substances sont référencées. La majorité des additifs se retrouvent dans les « e-liquides » qui représentent 80 % des produits du vapotage. Ces liquides contiennent un support de dilution (propylène-glycol et/ou glycérol-glycérine végétale), une teneur moyenne en nicotine d’environ 6 mg/ml, jusqu’à quinze substances aromatisantes (dérivés de la vanilline, du maltol, du menthol, etc.), mais aussi des sucres et édulcorants (glucose/fructose, sucralose), des acides utilisés dans les sels de nicotine et des extraits de plantes.
Malgré leur utilisation croissante, « les e-liquides sans nicotine ne sont pas soumis à la même réglementation et donc à la même obligation de déclaration que les autres produits », souligne le sociologue Didier Torny, directeur de recherche au CNRS qui a réalisé une cartographie des acteurs du secteur du vapotage. Une partie des produits consommés ne sont ainsi pas notifiés et laissent des incertitudes quant aux risques associés à leur utilisation. Un vapoteur sur cinq utilise pourtant des produits sans nicotine, selon une enquête de BVA réalisée pour l'ANSES.
Les produits de vapotage faits « maison » se développent sans contrôle
L’incertitude est particulièrement forte pour les produits de vapotage artisanaux inscrits dans un courant « Do It Yourself ». Selon l’enquête de BVA menée auprès de 1 000 vapoteurs, quatre sur dix ont confectionné eux-mêmes, au moins une fois, les liquides qu’ils consomment. « C’est une tendance qui se développe, observe Odile Peixoto, directrice de BVA Santé. Certains ont recours à des produits "maison" : cela concerne 23 % des vapoteurs. »
Cette enquête, menée en février 2020, dresse par ailleurs le profil des vapoteurs français, dont trois sur quatre vapotent quotidiennement et 63 % sont également fumeurs. Parmi les vapoteurs exclusifs, 34 % sont d’anciens fumeurs et 3 % n’ont jamais fumé. Les deux tiers des vapoteurs déclarent l’utiliser pour arrêter de fumer.
« Le vapotage s’installe dans la durée », note également Odile Peixoto, alors qu’une majorité de vapoteurs (58 %) utilisent la cigarette électronique depuis deux ans ou plus. Autre fait notable, 70 % des vapoteurs pensent que la cigarette électronique est moins nocive que le tabac.
Une toxicité du vapotage encore mal connue
Pour compléter les connaissances sur ce phénomène émergent qu’est le vapotage, l’ANSES collabore avec les centres antipoison pour suivre les cas d’intoxication aiguë. Une première étude, publiée en 2017, recensait 1 178 cas entre janvier 2013 et juin 2014, dont 58 % étaient symptomatiques, mais sans forte gravité : 32 % par voie oculaire, 57 % par voie orale et 5 % par voie respiratoire.
Une seconde étude a démarré en juillet 2019 et se terminera fin 2020. « Les résultats préliminaires sont rassurants et n’enregistrent aucun décès ni pathologie pulmonaire similaire à l’épisode américain de fin 2019 », indique l’ANSES, précisant que la plupart des cas sont liés à des mésusages par l'entourage des vapoteurs et que 10 à 20 % des expositions accidentelles correspondent à la pratique du « Do it Yourself ».
Un autre chantier attend l’ANSES, qui va entamer des analyses de produits prélevés sur le marché et les comparer avec les déclarations des fabricants. « L’enjeu porte désormais sur l’évaluation des risques sanitaires liés à l’inhalation de certaines substances chimiques dans les produits du vapotage et les nouveaux produits du tabac chauffé », explique l'ANSES.
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