Interdit depuis 2019, le pesticide chlorothalonil, ou plutôt de deux de ses métabolites, est présent dans plus de la moitié des eaux distribuées en France : près de 60 % pour le chlorothalonil R471811 et environ 55 % pour le métolachlore ESA.
Plus inquiétant, 34 % de l'eau distribuée comporte des taux supérieurs au seuil de qualité par défaut (0,1 µg/l), selon le rapport de l'Anses publié ce 6 avril. L'intégralité de l'Île-de-France serait touchée. Questionné par « Le Monde », le syndicat eaux d'Île-de-France confirme que plus de 3 millions d'usagers reçoivent une eau dont les teneurs sont 4 à 5 fois supérieures au seuil réglementaire. Dans le Grand Ouest, c'est environ 90 % de la population desservie qui reçoit une eau non conforme au regard des taux de R471811.
Des données de toxicité manquantes
Jusqu'à récemment, le R471811 n'était pratiquement pas recherché, faute de capacité technique dans les laboratoires d'analyse. En janvier 2022, le R471811 a été classé « pertinent » par l'Anses et doit donc rester sous le même seuil que la molécule mère dont il est issu. Comme pour beaucoup de pesticides et de leurs métabolites, les données de toxicologie chez l'homme sont peu nombreuses, aussi l'Anses ne dispose pas de valeur maximum sanitaire (Vmax). En l'absence de cette dernière, deux seuils s'appliquent : le seuil sanitaire provisoire de 3 µg/l, au-delà duquel la suspension de la distribution d'eau est immédiate et le seuil de qualité de 0,1 µg/l.
Rien ne permet d'affirmer que le dépassement du seuil de qualité a un effet sur la santé publique. Pour l'heure, il a seulement été montré que l'exposition au R471811 est associée à l'apparition de tumeurs rénales chez l’animal. Toutefois, en cas de dépassement sur un site donné, l'unité de traitement d'eau dispose de trois ans, renouvelable une fois, pour se mettre aux normes, au prix de très coûteux investissements. Si de tels travaux ne sont pas effectués d'ici à six ans, ou si une éventuelle Vmax supérieure au seuil de qualité n'est pas établie,ce serait donc 34 % de la ressource en eau française qui pourrait être mise à l'arrêt. De quoi donner quelques sueurs froides dans un contexte de raréfaction des ressources liée au réchauffement climatique.
Moins d'un quart des eaux vierges de tout pesticide
Les travaux de recherche de l'Anses ont été menés au cours de la période 2020-2021 en métropole et dans les départements d'outre-mer à partir d'échantillons d'eaux brutes et d’eaux traitées représentant environ 20 % de la population consommatrice d’eau du robinet : un tiers provenant d'eaux superficielles et les deux autres d'eaux traitées.
Sur les 157 molécules recherchées (dont un tiers de substances actives et deux tiers de métabolites), 89 ont été quantifiées au moins une fois. L'Anses a constaté que les eaux souterraines étaient tout aussi fréquemment porteuses de pesticides ou de leurs métabolites que les eaux superficielles : seulement 19 % des eaux brutes et 23 % des eaux traitées prélevées ne comportent aucun principe actif ou métabolite.
Il est à noter qu'au cours de la même campagne, les laboratoires ont retrouvé dans les prélèvements du Nord et de l'est de la France des métabolites d'explosifs employés au cours de la première guerre mondiale.
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