LE QUOTIDIEN : Votre programme présidentiel comporte 15 ordonnances, dont une sur la santé. Or, les médecins gardent un souvenir cuisant des ordonnances Juppé en 1995… Pensez-vous que cette méthode soit pertinente pour réformer ?
JEAN-FRANÇOIS COPÉ : Les ordonnances de 95 sont mal passées parce qu’elles contenaient un processus de culpabilisation des médecins très maladroit et déplacé. J’en sais quelque chose, je suis fils de médecin… Moi, je ne suis pas du tout dans cette logique stigmatisante ! Mon credo est d’acter par ces ordonnances trois principes qui guideront toute mon action : la liberté, la responsabilité et l’innovation. Rien à voir avec la culpabilisation de 1995. Il ne s’agit pas de pénaliser les médecins, mais au contraire de les valoriser. Mon projet est de faire adopter les réformes dès l’été 2017. Personne n’aura été pris par surprise.
Quels seront les axes principaux de votre ordonnance sur la santé ?
Il faut en finir avec l’hospitalocentrisme. L’hôpital ne peut plus être la plateforme d’accueil de tout le monde. En même temps, la médecine libérale doit être placée tout en haut du podium. C’est cette nouvelle articulation qu’il faut construire d’urgence.
Pour y parvenir, nous devons faire évoluer le statut même des hôpitaux en favorisant leur passage volontaire au statut d’établissement privé d’intérêt collectif avec mission de service public. Les statuts des personnels doivent également être plus souples, notamment dans la gestion de leur carrière. La question du temps de travail n’est plus tenable avec les 35 heures, qu’il faudra supprimer, et pas seulement dans la fonction publique hospitalière.
Parallèlement, il est indispensable d’accorder davantage de marge de manœuvre aux professionnels de santé libéraux, en commençant par la mise en place d’un espace de liberté tarifaire, car le processus de paupérisation de la profession est insupportable. Les dépassements ne doivent plus être considérés comme une faute, dès lors qu’ils correspondent à la qualité du service rendu et qu’ils sont soutenables.
Je précise que les Français les plus modestes doivent pouvoir continuer à accéder à la gratuité des soins, que ce soit à l’hôpital, ou en consultant des médecins à tarifs opposables.
Comment comptez-vous réformer la formation initiale ?
Il faut que les concours soient régionaux. Pour la sélection, avoir envisagé un tirage au sort est une folie qui traduit une absence totale de considération pour les étudiants. On ne choisit pas de faire des études de médecine à la légère. C’est une mission, une vocation, avec dix, douze, voire treize ans d’études.
De plus, nous devons intégrer systématiquement des stages en cabinet libéral dans le cursus initial de façon à créer un esprit de compagnonnage et à réveiller l’intérêt des étudiants pour la médecine libérale. On me dit que ça existe déjà, mais ces stages ne sont ni obligatoires, ni de longue durée !
Vous voulez transférer sur la TVA une partie du financement de l’assurance-maladie. Cela signifie-t-il que les cotisations sociales baisseraient d’autant ?
Je propose effectivement de transférer 30 milliards d’euros de charges sociales sur la TVA rehaussée de trois points. Ce sera indolore car la TVA est payée par tout le monde et n’a pas de répercussion automatique sur les prix. Pour le coût du travail en revanche, cela redonnera de la compétitivité aux entreprises grâce à un allégement de 30 milliards.
Vous voulez aussi réformer la gouvernance de l’assurance-maladie. Pourquoi ?
Je propose la fin du paritarisme et de la gestion des caisses par les syndicats. Ce système date de… 1945 ! Il a fait son temps. Cette cogestion mène à la paralysie et aux blocages face aux réformes. Je propose à la place de créer une Agence nationale de l’assurance-maladie autonome dont les objectifs seraient fixés par l’État. Elle serait pilotée au plus proche des besoins réels remontés du terrain par les professionnels de santé.
Vous voulez supprimer l’aide médicale d’État (AME), le tiers payant généralisé et instaurer un délai de carence pour les fonctionnaires en cas d’arrêt maladie. Vous n’allez pas vous faire que des amis chez les patients…
Pour l’AME, je ne comprends pas qu’un étranger en situation irrégulière soit couvert à 100 % pour ses soins, alors qu’un Français ou un étranger en situation régulière paye des franchises. Il faut donc supprimer cette aide, sauf pour les urgences.
Quant au tiers payant, ce "produit phare" de Marisol Touraine, il est d’une complexité administrative colossale pour les médecins et génère une perte de perception du coût de la santé chez les patients. C’est du socialisme pur !
Enfin, pour le délai de carence, personne ne peut comprendre l’inégalité de traitement entre les fonctionnaires et les salariés du privé. Mais ce n’est pas tout. Si on revalorise les honoraires des médecins, il leur sera demandé en retour d’être plus responsables sur les arrêts de travail.
Marisol Touraine affirme avoir « sauvé la Sécu », vous dénoncez des artifices comptables…
J’ai regretté son tour de passe-passe. Au début, tout le monde s’est laissé surprendre quand la ministre a assuré que le gouvernement avait bouché le « trou de la Sécu », jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’il aurait fallu réintégrer le déficit du fonds de solidarité vieillesse [-3,9 milliards d’euros en 2015 pour le FSV, Ndlr], ce qu’elle n’a pas fait ! Par ailleurs, une recette discutable de CSG de 700 millions d'euros a surgi opportunément pour compléter le dispositif. Ce que nous attendons, comme l’a réclamé la Cour des comptes, ce sont des réformes de structure qui restent à conduire.
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