« Une infection virale respiratoire évitée, c'est un antibiotique préservé ! » Tel est le message que souhaitent faire passer les autorités sanitaires françaises* à l'occasion de la Journée européenne d'information sur les antibiotiques qui se tient ce 18 novembre.
Dans une synthèse commune sur les antibiotiques, le ministre de la Santé Olivier Véran estime que « la lutte contre l’antibiorésistance est plus que jamais une priorité de santé globale ». Il y rappelle également que « depuis 2016, le gouvernement est pleinement engagé dans la lutte contre l’antibiorésistance au travers de la mise en œuvre d’une feuille de route interministérielle ». Les actions menées dans ce cadre ont conduit à une réduction de la consommation d'antibiotiques. Elles s’inscrivent dans la continuité de plusieurs plans et programmes, dont les plans antibiotiques et les plans Écoantibio en santé animale.
Les antibiotiques, toujours pas automatiques
L'ensemble de ces démarches fait écho au concept One Health (Une seule santé), qui vise à promouvoir une approche transversale des santés humaine, animale et environnementale, et dont la pandémie actuelle rappelle toute l'importance. « Le SARS-Cov-2 responsable du Covid-19, virus zoonotique, est passé chez l’humain à la faveur d’activités humaines perturbant l’équilibre des écosystèmes, comme 75 % des maladies infectieuses émergentes », est-il écrit dans le document de synthèse.
Olivier Véran alerte : « Si une bactérie résistante à de multiples antibiotiques était impliquée dans une future pandémie, elle pourrait causer de nombreux décès. Il nous faut à tout prix prévenir cette éventualité ! »
D'où l'importance d'éviter les infections respiratoires pour réduire le recours aux antibiotiques et ainsi limiter le risque que se développent des résistances. Une infographie décrit les modalités de transmission des infections entre humains, et de l’animal à l'humain, ainsi que les moyens de prévention : port du masque, lavage de mains, aération, vaccination antigrippale, nettoyage des surfaces...
« Les gestes barrières permettent de réduire le risque d’infection par le coronavirus, ainsi que par d’autres virus respiratoires comme la grippe ou les virus responsables du rhume ou de la bronchite, détaille Olivier Véran. Ce sont les mêmes mesures d’hygiène qui permettent également de réduire le risque d’antibiorésistance, en évitant des antibiothérapies parfois prescrites par excès chez des patients ayant une infection virale. »
Les autorités sanitaires rappellent en effet que les antibiotiques sont inefficaces contre les infections virales, alors qu'ils continuent d'être prescrits dans ces indications : « Ces prescriptions augmentent inutilement la pression de sélection sur les bactéries, notamment celles présentes dans nos microbiotes, et participent à l’apparition et la dissémination de résistances aux antibiotiques. » Et de rappeler le célèbre slogan : « Les antibiotiques, c’est pas automatique ! »
L'impact des activités humaines sur les écosystèmes
Les antibiotiques sont principalement délivrés en médecine de ville (93 contre 7 % en établissements de santé). Après une forte baisse à la suite de la mise en place du « Plan national pour préserver l'efficacité des antibiotiques », la consommation d'antibiotiques stagnait depuis 2008, avant qu'une diminution soit de nouveau amorcée depuis trois ans.
« Pour la première fois en 2019, la résistance aux céphalosporines de 3e génération chez E. coli diminue également parmi les souches isolées d’infections invasives (données transmises au réseau européen EARS-Net), est-il salué. Les efforts de maîtrise de la transmission croisée et de meilleur usage des antibiotiques sont donc efficaces et à poursuivre. »
Du côté de la santé animale, 96 % des utilisations d’antibiotiques concernent les animaux destinés à la consommation humaine. Les nombreuses mesures mises en œuvre depuis 2007, en particulier dans le cadre des deux plans Écoantibio (2012-2016 et 2017-2021), ont conduit à une utilisation plus raisonnée des antibiotiques. Ainsi, « entre 2009 et 2019, l’exposition globale des animaux aux antibiotiques a diminué de 47,4 % », est-il écrit. Une exposition qui continue de diminuer au-delà des objectifs d'Écoantibio, témoignant du fait que « les acteurs de la santé animale poursuivent leurs efforts pour une utilisation prudente et responsable des antibiotiques en médecine vétérinaire ».
Cette synthèse des autorités sanitaires met également l'accent sur le rôle des pollutions environnementales dans l’émergence et la diffusion de la résistance aux antibiotiques. « Plus l’impact des activités humaines sur les écosystèmes s’accroît, plus les bactéries résistantes aux antibiotiques introduites dans ces écosystèmes sont diverses et nombreuses, et plus grande est la proportion d’animaux sauvages porteurs de ces bactéries résistantes », est-il résumé.
De nombreuses découvertes restent encore à faire pour mieux comprendre l'antibiorésistance, notamment concernant l'influence des antibiotiques présents dans l’environnement et les transferts de gènes de résistance aux antibiotiques.
Une chose est sûre : « En 2020, pour préserver la santé, des animaux et des humains tout en veillant à celle des écosystèmes, plus que jamais, les antibiotiques sont précieux, utilisons les mieux ! »
* Haute Autorité de santé, Santé publique France, Assurance-maladie, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).
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