En 2015, les États membres de l'Organisation des Nations unies ont fait de l'élimination de la faim et l'insécurité alimentaire le deuxième des objectifs du développement durable à atteindre en 2030. Or c'est un désaveu et une alarme que formule l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) dans son rapport annuel 2020, rédigé avec le concours du Fonds international pour le développement de l'agriculture, de l'Unicef, du Programme alimentaire mondial et de l'Organisation mondiale de la santé.
Une personne sur neuf sous-alimentée
Avant même la pandémie de Covid-19, près d'un humain sur neuf (8,9 % de la population mondiale, soit 690 millions de personnes) souffrait de sous-alimentation chronique en 2019. Ce sont ainsi 10 millions de personnes de plus qu'en 2018 qui souffrent de la faim, et 60 millions de plus par rapport à 2014.
Des tendances aggravées par le Covid-19
Si la tendance actuelle persiste, plus de 840 millions de personnes seront sous-alimentées en 2030, lit-on. Et ceci sans compter le choc sanitaire et économique provoqué par la pandémie de Covid-19. La FAO considère en effet que la récession mondiale due au nouveau coronavirus risque de condamner à la faim entre 83 et 132 millions de personnes supplémentaires.
La sous-nutrition affecte différemment les continents : si l'Asie concentre le plus grand nombre de personnes sous-alimentées (381 millions), l'Afrique est la plus touchée, avec 250 millions de personnes concernées, soit plus de 19 % de sa population (plus du double de l'Asie). Viennent ensuite l'Amérique latine et les Caraïbes (48 millions de victimes). En 2030, l'Afrique risque de compter plus de la moitié des personnes souffrant de faim chronique dans le monde.
Retard de croissance, émaciation et obésité
Au-delà de la sous-alimentation, la malnutrition c'est-à-dire l'impossibilité de se nourrir sainement, frapperait plus de 3 milliards de personnes, et près de 60 % de la population d'Afrique subsaharienne et d'Asie du Sud, considère le rapport. L'obstacle majeur est financier : le prix d'une alimentation équilibrée, même la moins chère, est cinq fois plus élevé que celui à payer pour un régime composé de seuls féculents. Les produits laitiers riches en nutriments, les fruits, les légumes et les aliments riches en protéines (d'origine végétale et animale) sont les groupes d'aliments les plus chers au monde, déplore l'agence onusienne.
Les conséquences sanitaires sont dramatiques : en 2019, entre un quart et un tiers des enfants de moins de cinq ans (191 millions, essentiellement en Afrique et en Asie) souffraient d'un retard de croissance ou d'émaciation. Au moins 340 millions connaissent un déficit en micronutriments. En outre, 38 millions d'enfants (5,6 %) de moins de cinq ans étaient en surpoids, tandis que chez les adultes, l'obésité est en augmentation dans tous les pays.
Plaidoyer pour des régimes alimentaires sains
Les cinq agences signataires du rapport appellent à opérer un changement global vers des régimes alimentaires sains, ce qui, d'un point de vue économique, permettrait de compenser presque entièrement les coûts sanitaires d'une mauvaise alimentation (1 300 milliards de dollars des États-Unis par an en 2030) et de diminuer de trois quarts les émissions de gaz à effet de serre liées à l'alimentation.
Concrètement, chaque gouvernement doit intervenir tout au long de la filière alimentaire. La FAO attire l'attention sur l'importance d'un changement des comportements grâce à l'éducation et à la communication, et plaide pour l'intégration de la nutrition dans les systèmes de protection sociale.
« Il devient impératif de transformer nos systèmes alimentaires pour les rendre durables, résilients et justes, et en finir avec la faim », a commenté le président d'Action contre la faim France, Pierre Micheletti, tandis qu'Oxfam France déplore, par la voix de la chargée de plaidoyer Hélène Botreau, que « des milliards de personnes paient le prix de l'échec des politiques menées depuis des décennies ».
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