Les enfants âgés d'un mois à un an victimes de maltraitances physiques représentent entre 0,04 % et 0,11 % de tous les nourrissons de France, démontre la première estimation nationale sur le sujet, réalisée par une équipe pluridisciplinaire dijonnaise, et publiée dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » du 15 octobre.
L'étude nationale et rétrospective sur huit ans (2007-2014) s'appuie sur les données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI). Trois groupes ont été définis, exclusifs les uns des autres : le premier inclut 2 585 enfants maltraités physiquement, le deuxième, 4 333 petits possiblement violentés (blessures suspectes), et le troisième, groupe témoin, recense les 926 405 enfants d'un mois à un an hospitalisés en France entre 2007 et 2014. Les situations de maltraitance étaient appréhendées à partir des codes de la classification internationale des maladies (CIM 10).
Les chercheurs ont produit une estimation basse de la prévalence des maltraitances, en rapportant le nombre d'enfants du groupe 1 au groupe témoin, soit 0,04 % ; et une estimation haute, en additionnant les groupes 1 et 2, soit 0,11 %.
Ils ont également estimé la prévalence hospitalière de la maltraitance physique des nourrissons entre 0,24 % (groupe 1) et 0,63 % (groupe 1+2).
« La prévalence nationale estimée dans notre étude est considérablement inférieure à celle rapportée dans la littérature », où certaines études considèrent qu'environ 10 % des enfants des pays à revenu élevé étaient négligés, notent les auteurs. Ce hiatus s'explique en partie par les critères resserrés choisis par l'équipe de Séverine Gilard-Pioc et coll. mais aussi par la sous-estimation du phénomène. « Nos résultats peuvent suggérer que plus d'un enfant sur deux pourrait ne pas être identifié comme étant maltraité », lit-on.
Durée d'hospitalisation et taux de mortalité plus élevés chez les enfants maltraités
Les auteurs se sont aussi penchés sur les caractéristiques des hospitalisations des enfants. Les victimes de maltraitances connaissent des durées moyennes de séjour quatre fois plus longues pour le groupe 1, et deux fois plus, pour le groupe 2, que pour les autres enfants hospitalisés. Ces mêmes proportions se retrouvent pour les différentes hospitalisations sur un an, avec en outre, des pourcentages de réadmissions toutes causes confondues plus fréquents chez enfants maltraités (entre 36 % et 31 % vs 28 % pour les autres enfants). Près de 10 % de ces enfants ont été réhospitalisés pour maltraitance physique l'année suivant leur première admission pour maltraitance.
Le taux de mortalité hospitalière à un an est 10 fois plus élevé dans le groupe des enfants maltraités (3,13 %) que dans le groupe témoin (0,31 %), et sept fois plus élevé pour les nourrissons possiblement maltraités (2,56 %). La plupart des décès surviennent lors de la première hospitalisation, avec un pourcentage de décès dans le groupe 1 (76 décès) au cours du séjour 16 fois plus élevé que dans le groupe 3 (1 688 décès), « ce qui reflète la particulière gravité des lésions traumatiques intentionnelles », soulignent les auteurs.
Ils appellent en conclusion à établir une méthode d'identification précoce des enfants maltraités, à développer des stratégies de prévention secondaires et à renforcer la formation des professionnels sur ce sujet, pour ne plus manquer un diagnostic et prévenir les récidives.
La publication du « BEH » intervient au lendemain de la présentation par le secrétaire d'État Adrien Taquet d'une stratégie nationale de prévention et de protection de l'Enfance 2020-2022, dont plusieurs mesures visent à renforcer la prévention en santé : entretien prénatal précoce rendu obligatoire, doublement des visites à domicile pré- et post-natal, développement des consultations infantiles, renforcement des PMI, accompagnement à la parentalité des parents d'enfants handicapés, ou encore, amélioration de l'accès aux soins des enfants de l'aide sociale à l'enfance (ASE).
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