À l'occasion de la journée consacrée à la qualité de l'air et la santé, ce 21 juin, l'Agence nationale de santé publique livre de nouvelles estimations sur l'impact sanitaire de la pollution atmosphérique en France, basées pour la première fois sur des données françaises, à l'échelle très fine de la commune.
La dernière estimation, publiée en 2000 dans l'étude européenne CAFE (Clean air for Europe) chiffrait à 42 000 le nombre de morts précoces liées à la pollution en France. En 2015, l'Agence européenne de l'environnement (AEE) évoquait (par extrapolation) 43 000 décès. Confirmant cet ordre de grandeur, Santé publique France estime que la pollution est responsable d'a minima 48 000 décès par an, soit 9 % de la mortalité en France ; et d'une réduction de l'espérance de vie de 2 ans, pour les personnes âgées de 30 ans.
Les zones rurales pas épargnées
Pour cette nouvelle évaluation quantitative d'impact sanitaire (EQIS) Santé publique France s'est intéressée aux particules fines primaires de diamètre inférieur à 2,5 micromètres, sur la période 2007-2008. « Elles pénètrent dans les poumons, et traversent les alvéoles pour aller dans la circulation sanguine et toucher ainsi tous les organes. Elles accélèrent le vieillissement des cellules ; elles ont aussi un effet mutagène », résume Sylvia Medina, coordinatrice du programme Air et Santé. La pollution de l'air est responsable de pathologies cardiovasculaires, respiratoires, de cancers, mais aussi de troubles de la reproduction et du développement de l'enfant, de problèmes neurologiques et endocriniens. « Un tueur invisible », selon Sylvia Medina. « Le 3e fardeau derrière le tabac et l'alcool », insiste le Dr François Bourdillon, directeur général de SPF. Et de souligner que les pics de pollution – bien que médiatisés – pèsent beaucoup moins sur la santé que l'exposition chronique.
L'étude porte sur les 36 219 communes de France continentale et inclut les données épidémiologiques des cohortes ESCAPE (étude européenne des cohortes sur la pollution de l'air, comprenant 367 251 participants dont 14 313 Français) et Gazel-Air (soit 20 327 participants). Le modèle utilisé sur tout le territoire pour mesurer la concentration aux PM2,5 prend en compte les émissions ponctuelles et diffuses, et les transports, la météorologie, la chimie atmosphérique ou encore des données géostatistiques.
Plusieurs scenarii étudiés
Plusieurs scenarii ont été testés. Dans le premier, il n'y a plus de pollution. « L'air des sommets montagneux régnerait sur toute la France », explique Mathilde Pascal, épidémiologiste à la direction santé environnement. Chaque année, 48 000 décès seraient évités, soit 9 % de la mortalité en France. Les trentenaires gagneraient en moyenne 9 mois d'espérance de vie. Les gains seraient plus importants dans les grandes villes (+ 100 000 habitants) avec 26 000 décès évités, jusqu'à 15 mois d'espérance de vie de gagnés. Dans les villes moyennes qui accusent une perte d'espérance de vie de 10 mois en moyenne, 14 000 décès seraient évités. Les zones rurales sont aussi concernées : 8 000 décès seraient évités, et 9 mois d'espérance de vie, gagnés.
Deuxième scenario : toutes les communes diminuent leur concentration de particules fines au niveau des plus vertueuses dans leur classe d'urbanisation. Quelque 34 000 décès seraient évités, soit 7 % de la mortalité totale ; 14 900 dans les grandes villes, 11 300 dans les moyennes villes, et 8 000 dans les zones rurales. Et 9 mois d'espérance de vie à 30 ans seraient gagnés en moyenne, voire 36 mois dans les zones les plus exposées.
Les autres scenarii testent les valeurs fixées dans différentes réglementations. La directive européenne 2020 fixe la valeur cible de 20 μg/m3 – déjà respectée sur la plupart du territoire. 10 décès seraient évités. Le Grenelle de l'environnement – un objectif atteignable à court terme selon Sylvia Medina – recommande la valeur de 15 μg/m3 : 3 000 décès seraient épargnés chaque année. Enfin, l'OMS s'est donné pour valeur guide 10 μg/m3 : 17 700 décès seraient évitables, soit 3 % de la mortalité en France.
Mesures collectives et individuelles
« Si toutes les villes réussissaient à atteindre les concentrations des villes les moins polluées, 34 000 décès seraient évités », insiste Sébastien Deny, responsable de la direction Santé Environnement.
Les mesures à mettre en place sont connues : promotion des déplacements doux, péage urbain, modification des carburants, réduction des émissions industrielles, de la dépendance aux énergies fossiles, et, à titre individuel, pratique du vélo.
« Nous espérons que les maires de France, les présidents d'agglomération s'emparent de ces chiffres et prennent des mesures, a exhorté François Bourdillon, estimant que les bénéfices sanitaires se font rapidement ressentir.
Santé publique France devrait poursuivre ces investigations en étudiant la morbidité liée à la pollution, en particulier les liens avec les pathologies cardio-vasculaires, le cancer et l'asthme.
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie