Alors que l'Assemblée nationale vient d'adopter définitivement la loi sur la prostitution, la Haute autorité de santé (HAS) rend public son rapport sur la situation sanitaire des prostitu(é)s et travailleurs du sexe.
Ce travail en réponse à une demande de la direction générale de la Santé (DGS), réalisé en collaboration avec les associations, se veut « un préalable indispensable à l'élaboration d'une politique de réduction des risques », en l'absence de données consolidées sur ce sujet, souligne la HAS.
Des prostitué(e)s mal informé(e)s sur les IST
La HAS démontre - à partir d'une revue de 24 études - que la prostitution ne constitue pas en soi un facteur de risque d'infection par le VIH (un constat qui rejoint l'avis de 2010 du Conseil national du sida*). Chez les femmes, « les données disponibles permettent d'établir que le sur-risque au sein de la population en situation de prostitution est trés modéré », lit-on, la prévalence étant inférieure à 0,8 % dans la plupart des études - une conséquence des programmes de santé publique qui ont favorisé les bonnes pratiques de prévention du VIH/Sida, commente la HAS.
Chez les hommes, les données sont insuffisantes pour déterminer s'il existe un sur-risque, qualifié d'« incertain ». Il n'est pas non plus établi chez les transgenres qui se prostituent. Mais la HAS estime que ces populations sont les plus vulnérables vis-à-vis d'une infection par le VIH.
Précarité et surexposition aux violences physiques et verbales
Si l'activité prostitutionnelle n'induit pas à elle seule un facteur de risque d'infection au VIH/Sida, celui-ci devient réel lorsque les personnes sont exposées à la précarité sociale, économique, administrative ou à des fragilités psychologiques, les rendant plus perméables aux pressions des clients (et à des demandes de rapports non protégés).
La prévalence des hépatites B et C est peu documentée, mais les données européennes semblent montrer une vaccination plus importante contre le VHB chez les travailleurs du sexe. En revanche, ils semblent mal informés sur les autres infections sexuellement transmissibles et aux troubles gynécologiques. Par exemple, la prévalence de femmes ayant une infection à Chlamydia se situe, selon les études, entre 4,8 % et 10 %, et entre 0,1 et 4,5 % pour la syphilis. La HAS recommande donc de développer une information adaptée sur ce sujet.
La HAS relève une surexposition aux violences physiques et verbales, surtout lorsque l'activité est exercée dans la rue, par des femmes. Les personnes exerçant sur Internet sont victimes de chantage et de violences psychologiques. Ces abus font peu l'objet de signalement aux médecins ou à la police. Leur prévention doit être améliorée, souligne la Haute autorité.
Enfin, la HAS constate une consommation de tabac et de cannabis au-dessus de la moyenne, avec 46 % de femmes, 65 % d'hommes, et 51 % de transgenres fumeurs. La consommation d'alcool quotidienne chez les femmes qui se prostituent est comparable à celle des femmes en population générale (5 %), celle des hommes est supérieure mais semblable aux HSH.
Un accès compliqué à la santé et aux médecins
La HAS souligne que la précarité économique et sociale pèse sur l'accès des prostitué(e)s à une couverture d'assurance maladie. Ils seraient 65 % à en bénéficier, 30 % auraient l'aide médicale d'État, 30 % la couverture maladie universelle (CMU).
En cause, le manque d'information ou la complexité des démarches administratives en vue de l'AME lorsque les personnes sont en situation irrégulière sur le territoire, expliquent les associations. Les migrants (par exemple les femmes chinoises à Paris), ou les DOM-TOM (femmes se prostituant en Guadeloupe) seraient particulièrement concernés.
La peur d'être discriminés par les professionnels de santé freine l'accès aux soins. La HAS relaie la préoccupation des associations quant à la maladresse ou au manque de compassion de certains soignants dans le cadre des interruptions volontaires de grossesse (IVG). La HAS suggère une meilleure formation des médecins au « counseling » et à l'écoute active, sur le modèle de la communication en matière de VIH (avec des questions sur les pratiques sexuelles justifiées par la présence de symptômes, et non par des représentations).
*« Sous réserve d’une utilisation optimale des moyens de prévention, l’activité prostitutionnelle ne représente pas en elle-même un facteur de risque de transmission du VIH/sida, ni pour les personnes qui l’exercent, ni pour leurs clients. En revanche, les conditions souvent difficiles dans lesquelles les personnes prostituées exercent leur activité fragilisent considérablement leur accès à la prévention et aux soins et majorent leur exposition à l’ensemble des risques sanitaires.
Cette exposition est d’autant plus préoccupante qu’elle touche des populations au sein desquelles la prévalence du VIH/sida est plus élevée que dans l’ensemble de la population : personnes migrantes en provenance de régions à forte prévalence du VIH/sida, hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), personnes transsexuelles ou transgenres. »
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