La psychiatrie doit-elle s’impliquer dans la problématique du radicalisme ? C’est la question qui est abordée dans un article très récent du Monde (1) qui fait état de la réticence, émanant de notre corps professionnel à ce sujet. II est vrai que, dès lors qu’il nous fut fait proposition d’intégrer cette structure, nous nous sommes interrogés sur la pertinence de notre présence. En effet, les rares publications (2,3) apportaient plutôt le démenti d’une possible relation entre radicalisation et trouble psychiatrique.
Le CAPRI de Bordeaux est une structure associative régie par la loi de 1901. Ce centre a été créé sous l’impulsion conjointe de la Fédération musulmane de la Gironde, de la Mairie de Bordeaux et de Daniel Picotin, avocat et Président de la Société française de recherche et d'analyse de l'emprise mentale (SFRAEM). Ils ont été réunis sous l’égide de l’État par le Préfet de Région. L’équipe est constituée d’un coordonnateur administratif, d’une psychologue clinicienne à temps plein, et de deux psychologues, à temps partiel. Pour notre part, nous y sommes associés en qualité de pédopsychiatre et de psychiatre d'adulte.
Un désarroi des équipes de soin face à la radicalisation
Nous ne dispensons aucun soin au CAPRI. Notre intervention se limite donc au travail d’évaluation pluridisciplinaire et de liaison avec les praticiens de lieux de soins psychiatriques privés ou publics. Nous participons également, quand cela s’avère utile, aux missions de formation ou d’information que dispense le CAPRI (4).
La problématique majeure est d’ordre déontologique. L’absence de tout cadre juridique nous a conduits à adopter une position médiatrice comparable à celle du médecin coordonnateur dans le cas des obligations de soins dans le cadre d’un suivi sociojudiciaire. Cependant, nous avons découvert qu’il existait souvent une forme d’incertitude, voire de désarroi, dans les équipes de soin vis-à-vis de la radicalisation quand ils y étaient confrontés. À ce titre, l'existence d’un possible aidant s’est avérée souvent bienvenue et a donné lieu à des demandes de formation.
Une radicalisation dans 15% des cas
Le 12/07/2016, nous avions pris en charge 31 situations dont 30 % de mineurs. Parmi eux, 30 % des situations relevaient de la psychiatrie, 55 % de facteurs de vulnérabilité et 15 % relevaient de la radicalisation.
Sur le plan psychiatrique, la simple prospection a mis en évidence les données suivantes : les adolescents en difficulté se trouvaient être une population à risque majeur de radicalisation. Les premiers signalements qui nous parvenaient comportaient un nombre de cas assez conséquent de patients connus et suivis par des services de psychiatrie pour des pathologies lourdes. Un certain nombre d’autres cas paraissaient être des personnes, atteintes d’une pathologie psychiatrique, qui n’avaient jamais reçu de soins. La quasi-totalité des cas psychiatriques étaient des patients atteints de schizophrénie avec signes positifs sous forme de délire à thèmes mystique et de persécution.
Un véritable enjeu
Au sujet du rôle de la psychiatrie dans la prévention de la radicalisation, un projet de texte relatif à l'action des Agences régionales de santé dans le cadre de la prévention et de la prise en charge de la radicalisation est en cours d’instruction. Une mission nouvelle est donc en voie de s’instituer pour la psychiatrie publique et privée, qui doit pouvoir bénéficier de moyens dédiés. À ce point de notre expérience, nous pouvons estimer qu’il existe un véritable enjeu qui interroge la capacité d'innovation de notre discipline.
Centre Hospitalier Charles Perrens, Bordeaux
(1) Clavreul L, Vincent E. Les psy s’investissent peu à peu dans le suivi des radicalisés. Le Monde 21/10/2016
(2) Revue de la littérature de Marchand Joseph.
(3) Psychopathologie du terrorisme et de la radicalisation, thèse pour le doctorat en médecine/ discipline psychiatrie. Université de Lille 03/02/2016 http://pepite-depot.univ-lille2.fr/nuxeo/site/esup.
(4) Le CAPRI a mis en ligne une vidéo de contre discours sur Facebook le 6 juin 2016, visible sur internet : http://radicalisation.fr/
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