POUR 2008, deux des cinq volets du prix Épidaure sont récompensés. Le prix de la Recherche fondamentale, épidémiologique et clinique est remis à Bénédicte Clarisse-Lecorbeiller (docteur en pharmacie de l’université Paris-Descartes, Mairie de Paris, Bureau de la Santé environnementale et de l’hygiène, direction de l’Action sociale, de l’enfance et de la santé) pour son travail « Les relations entre cadre et mode de vie, santé respiratoire et symptômes allergiques : mise en place d’une cohorte de nouveau-nés franciliens et bilan au terme d’un an de suivi ». Le prix du jeune chercheur va à Brice Rotureau (docteur en sciences de la vie de l’université Antilles-Guyane, unité Biologie cellulaire des trypanosomes CNRS URA 2581 et département de parasitologie et mycologie de l’institut Pasteur Paris) pour son travail sur « les leishmanioses cutanées de Guyane : les risques de l’orpaillage ».
° L’impact du cadre de vie chez les nourrissons
Le dossier présenté par Bénédicte Clarisse-Lecorbeiller est très novateur. Il correspond au premier bilan d’un an de suivi des enfants inclus à la naissance dans une cohorte de la région francilienne. Il a pour objectif d’évaluer les relations entre, d’une part, les manifestations respiratoires et allergiques et, d’autre part, les facteurs liés au mode et au cadre de vie dans lequel évoluent les enfants. Et il devrait permettre d’expliquer (en partie) l’augmentation de la prévalence de l’asthme et de l’atopie chez l’enfant observée depuis les années 1970 et le lien existant entre ces pathologies et l’évolution des facteurs de risque environnementaux, notamment à l’intérieur des habitations.
Entre février 2003 et juin 2006, près de 4 000 enfants ont été inclus et seront suivis jusqu’à leur sixième anniversaire. Déjà, au terme de la première année de suivi, cinq questionnaires renseignés par les parents permettent de décrire la chronologie des événements sanitaires et les conditions de vie de 2 726 enfants de la naissance à l’âge de 1 an.
Les données recueillies ont permis d’identifier deux phénotypes respiratoires distincts (G1 et G2) par comparaison à un groupe de référence (G0). Le phénotype G2 regroupe les nourrissons présentant des symptômes sévères d’obstruction bronchique (23,5 % de la population) ; il semble dominé par les infections respiratoires hautes et basses. Plusieurs facteurs de l’environnement lui sont plus souvent associés, comme une entrée précoce en crèche collective ou l’absence d’animaux domestiques. De plus, les infections des voies respiratoires basses dont souffrent les nourrissons rendent ces derniers plus sensibles aux agents chimiques de l’environnement intérieur (fumée de tabac, utilisation d’aérosols).
Le phénotype G1 regroupe les nourrissons ayant souffert d’une toux sèche nocturne (8,7 % de la population) ; il est associé à des antécédents parentaux d’asthme, à des manifestations allergiques, à une naissance pendant les mois de printemps, suggérant une prédisposition de ces enfants à l’allergie. Un ménage fréquent du domicile semble être un facteur protecteur. À l’inverse, la séparation des parents pourrait avoir un effet aggravant.
L’identification, dès la petite enfance, de phénotypes respiratoires distincts (à confirmer par des analyses ultérieures) représente un enjeu important pour la prise en charge précoce des jeunes patients. Le prix Épidaure de la recherche fondamentale, épidémiologique et clinique, d’un montant de 8 000 euros, est doté par « le Quotidien ».
° Le risque de parasitose chez les orpailleurs
Le travail de Brice Rotureau, qui reçoit le prix Jeune Chercheur, concerne un tout autre domaine, puisque l’objectif était de décrypter la relation existant entre l’évolution des écotopes de la forêt amazonienne du fait des activités humaines et l’incidence des leishmanioses cutanées en Guyane.
Il convient de rappeler que le cycle parasitaire des leishmanioses se déroule en forêt et implique trois acteurs : un insecte vecteur (le phlébotome), un parasite (les leishmanies) et un mammifère réservoir (occasionnellement l’homme). En Guyane, le paresseux à deux doigts est le principal réservoir connu de Leishmania guyanensis. Quand l’homme pénètre dans la forêt il peut être infecté.
Or, la répartition géographique des cas de Leishmania guyanensis est fortement hétérogène, puisque 150 nouveaux cas environ sont recensés chaque année dans le pays (soit 0,12 % de la population guyanaise), alors que l’incidence peut atteindre 26 %, comme dans le petit village isolé dans la forêt primaire guyanaise étudié par le lauréat. Cette forte hétérogénéité semble liée à l’exploitation des mines d’or en forêt.
Dans le contexte de l’orpaillage, les populations exposées sont le plus souvent des travailleurs clandestins non immuns qui disposent de peu de moyens de prévention. De plus, ils exercent une pression importante sur l’environnement (déforestation, habitation sur abattis…), qui se traduit directement par une augmentation du risque d’exposition aux phlébotomes, vecteurs des leishmanioses.
Le travail conduit par Brice Rotureau et l’équipe hospitalo-universitaire de recherche en parasitologie de Cayenne souligne le rôle facilitateur pour la transmission de la leishmaniose cutanée de l’anthropisation du milieu forestier, déjà évoquée pour le paludisme. Il souligne aussi la plasticité remarquable de l’évolution des leishmanioses qui, de « zoonoses sauvages strictes » pourraient devenir dans de nombreuses régions de « véritables anthropozoonoses domestiques » capables de se développer en milieu urbain et périurbain.
Tous ces arguments justifient pleinement le développement d’une véritable surveillance éco-épidémiologique des leishmanioses, base indispensable à leur contrôle, notamment dans les territoires où elles se développent de façon endémique.
Le prix Épidaure du Jeune Chercheur, d’un montant de 8 000 euros est doté par Véolia Environnement. Il a pour objectif de faciliter la poursuite des recherches de Brice Rotureau.
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