DES INFIRMIÈRES ou médecins qui portent le voile à l’hôpital seraient légion, notamment dans certains établissements hospitaliers de la région parisienne, d’après Isabelle Lévy. Au fil d’années d’observation dans des établissements de santé, cette conférencière s’est spécialisée dans la cohabitation (ou le conflit ?) des pratiques religieuses à l’hôpital. La burqa, dit-elle, n’est qu’un problème parmi d’autres. C’est un peu l’arbre qui cache la forêt. Des aides soignantes qui refusent de distribuer des plateaux-repas au motif qu’ils contiennent du porc, ça existe, assure-t-elle. « La religion, pourtant, il faut la laisser au vestiaire », estime-t-elle. C’est la loi qui le dit. Des hommes qui accompagnent leurs femmes, voilées, et refusent que des aides-soignantes, même femmes ! oscultent les leurs, ça arrive aussi. « On est en plein délire », résume la conférencière qui connaît sur le bout des doigts la législation et en particulier la circulaire du 2 février 2005, qui régit la laïcité dans les établissements de santé (voir encadré).
Listes d’attente.
La burqa pose un problème de sécurité publique et d’une certaine façon, constate-t-elle, elle coupe court à toute communication. « Une sage-femme m’a confié qu’elle ne peut pas parler à quelqu’un dont elle ne voit pas le visage. Il y a des services qui discutent, discutent, discutent, négocient, au nom du devoir d’assistance à personne en danger. Alors on perd des heures à convaincre une patiente de se déshabiller. Et souvent, en vain. Moi je dis aux soignants : "Arrêter de négocier" . Bien sûr, on peut veiller dans certaines situations délicates à, par exemple, ne pas laisser un homme médecin seul avec une patiente. Mais je dis et répète que les soignants ne doivent pas outrepasser leurs obligations professionnelles, sans cela ils encourent même le risque de commettre des erreurs ».
Un jeune gynécologue lui a raconté qu’en début de carrière, il n’hésitait pas à discuter avec ses patientes (et patients) réfractaires. Pendant ce temps-là, les urgences s’accumulaient et les nouvelles arrivées devenaient difficiles à gérer. Désormais, en phases d’urgence, il explique calmement mais sûrement qu’il est le seul médecin et qu’il est donc impossible d’être auscultée par une femme. Alors il laisse le couple réfléchir pendant qu’il prend en charge la patiente suivante et ainsi de suite jusqu’à ce qu’une décision soit prise.
Depuis 1996-1997, Isabelle Lévy intervient dans des hôpitaux en proposant ses conférences sur les rites, cultures et religion dans les établissements de soins. Elle serait la seule en France à proposer une telle formation et est à l’origine de cette « discipline ». Ce sont ses quinze années passées à l’AP-HP (Assistance publique-hôpitaux de Paris) à un poste administratif qui lui ont fait prendre conscience de l’importance du sujet.
Lors des formations, elle apporte d’abord des rappels à la loi en donnant aux participants quelques points sur lesquels se reposer et donc s’affirmer, comme le fait qu’ils sont de l’hygiène. Elle distribue également de la documentation sur les pratiques religieuses afin de donner certaines références aux soignants. Posséder un minimum de connaissances des différentes religions leur permet d’avoir réponse, sinon à tout, du moins à certaines affirmations du genre : « C’est ma religion qui me l’impose ». Elle transmet aussi des petits conseils, très pragmatiques, suggérant par exemple aux soignants de faire appel à des interprètes ou des aumôniers (rabbin, imam, pasteur ...) en cas de refus d’une prise en charge.
La loi à la rescousse de la circulaire.
Ces formations affichent complet avec généralement listes d’attente, parfois réitérées depuis dix ans dans certains établissements. Mais si le personnel médical (et non médical) se précipite à ces conférences, c’est loin d’être le cas des médecins et, de façon générale, des responsables. « J’avais monté des formations spécial cadres. Là où elles étaient prévues, elles ont toutes été annulées ». Manque de temps, de disponibilité ? Les directeurs, qui pourtant disposent bel et bien du pouvoir général de police au sein de leurs établissements semblent fermer les yeux trop souvent, affirme-t-elle. « Peut-être craignent-ils les représailles, les problèmes, les violences. Et puis nombre d’entre eux doivent faire face à un manque d’effectifs qui peut expliquer une tendance à être plusconciliants ».
La loi, examinée aujourd’hui en conseil des ministres est intelligemment intitulée. Elle interdit la « dissimulation du visage dans l’espace public », et non pas seulement le port de la burqa ou niqab ou voile intégral. Voilà qui devrait réjouir certains parmi ceux qui redoutent dans cette législation la stigmatisation des musulmans de France.
Pour les descriptifs des différentes conférences, voir sur le site d’Isabelle Lévy : www.levyisabelle.net
Lire notamment « Pour comprendre les pratiques religieuses des juifs, des chrétiens et des musulmans » et « Français et musulman : est-ce possible ? », tous deux parus aux Éditions Presse de la Renaissance en 2010.
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