DEPUIS 1817, l’humanité a connu 7 pandémies de choléra, toutes parties du continent asiatique. La dernière d’entre elles, la plus longue jamais enregistrée, dure depuis 1961. Venue d’Indonésie, elle ne semble pas prête à s’éteindre. Au contraire, « la fréquence et la sévérité des épidémies semblent en recrudescence, comme en témoignent celles majeures survenues au Nigeria, en Angola, au Pakistan, au Vietnam, au Zimbabwe et maintenant en Haïti », souligne Edward T. Ryan, auteur d’un éditorial dans « PLoS Neglected Tropical Diseases » (janvier 2011). Selon le dernier bilan de l’OMS, l’épidémie haïtienne a déjà touché plus de 190 000 personnes dont 3 800 décès.
Cette succession d’épidémies « démontre que la stratégie actuelle de lutte contre le choléra a échoué », souligne le chercheur. « Il est temps de la repenser », lance-t-il. Ce d’autant que le prix à payer est lourd : le choléra est désormais endémique dans 50 pays et, chaque année, de 3 à 5 millions de personnes sont infectées par Vibrio cholerae, 100 000 en meurent et la majorité d’entre elles dans l’indifférence.
Certes, l’administration rapide de sels de réhydratation orale a permis de sauver 40 millions de vies. Mais cette stratégie recommandée par l’OMS, qui consiste à traiter les individus malades puis, à plus long terme, à a améliorer les conditions d’hygiène et d’accès à l’eau potable, a montré ses limites. Quelque 13 % de la population mondiale n’ont toujours pas accès à de telles conditions. Pour venir à bout de cette disparité, « il faudrait pouvoir fournir une eau sûre à 240 000 personnes chaque jour et pendant dix ans », soutient Edward T. Ryan. Après un demi-siècle de pandémie, peut-on encore affirmer que c’est la meilleure approche, interroge-t-il ? Ce d’autant que la souche à l’origine de cette 7e pandémie, V. cholerae El Tor, « semble mieux adapté à l’environnement et est plus souvent à l’origine d’un portage asymptomatique chez l’homme. Cela veut dire que les personnes peuvent plus facilement introduire le vibrio dans une zone jusque-là indemne et qu’une fois introduit, le choléra peut y persister à l’état endémique », insiste-t-il.
40 % de vies sauvées.
Pourquoi ne pas s’appuyer sur la vaccination ? Son utilisation a longtemps fait l’objet de controverse avant que l’OMS ne l’inclue dans ses recommandations de 2001 uniquement pour les populations à risque vivant dans des zones d’endémie, son efficacité étant jugée insuffisante en cours d’épidémie. L’actualisation de ces recommandations en mars 2010 marque une évolution de l’OMS, qui admet que la vaccination pourrait être utilisée au cours d’une épidémie. Toutefois, peu de données étayaient jusqu’alors cette nouvelle position.
Les deux études publiées dans « PLoS Neglected Tropical Diseases » viennent combler ce manque. La première a été réalisée par Rita Reyburn et col. à partir des données recueillies lors de l’épidémie de 2008-2009 au Zimbabwe, qui avait fait 4 288 morts. Les chercheurs ont tenté de modéliser différents types d’intervention : campagne de vaccination massive avec une dose ou deux doses du vaccin oral mise en place plus ou moins rapidement et aboutissant à une couverture vaccinale plus ou moins importante : de 50 ou de 75 %. Leurs résultats montrent que « si la réponse est rapide et que 50 % de la population est vaccinée alors que les 400 premiers cas ont déjà été enregistrés, 34 900 cas de choléra (40 %) et 1 695 morts (40 %) auraient pu être prévenus ». Les résultats sont encore meilleurs si la couverture vaccinale atteint les 75 %. Même une réponse tardive (33 semaines au lieu de 10) « permet d’éviter un nombre non négligeable de cas de choléra et de décès », soulignent les auteurs.
La deuxième étude, réalisée par Dang Duc Anh et col., est une étude cas-témoins réalisée lors d’une épidémie à Hanoï au Vietnam en 2007-2008. Une campagne de vaccination a été menée dans deux districts de la capitale après le début de l’épidémie. L’étude montre que le vaccin (1 ou 2 doses) est efficace à76 %.
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