LE QUOTIDIEN - Est-il vrai que la victoire républicaine dans le Massachusetts compromet gravement la réforme de santé aux États-Unis ?
JAMES G. BACALLES – C’est fort possible. Les règles politiques, au Sénat américain, imposent une majorité de 60 voix pour mettre un terme au débat, quelle que soit la législation concernée. C’est pourquoi l’administration Obama avait besoin de cette soixantième voix. La réforme santé pourrait ne jamais être votée à cause de la perte de cette voix. Mais il faut d’abord attendre la certification de l’élection, qui va prendre une dizaine de jours. Il faut notamment vérifier les bulletins envoyés par les personnes ayant voté en dehors de l’État du Massachusetts, comme les soldats. Ceci étant dit, le sénateur qui a gagné l’a probablement fait avec une large majorité. Il a emporté son siège au Sénat, mais il devra sans doute attendre dix à quinze jours après l’élection avant de siéger. On ne sait pas ce qui va se passer ensuite. Sans doute les démocrates et les républicains vont-ils chercher un nouveau compromis pour rendre la réforme plus acceptable. Il faut s’attendre à la poursuite des négociations pour que la réforme récolte davantage de soutiens. Nous en saurons plus la semaine prochaine. À ce stade, personne ne connaît l’issue.
Quelles sont les vraies raisons qui expliquent l’opposition au projet Obama ? La première puissance mondiale n’aurait-elle pas à gagner à avoir une couverture maladie universelle ?
Étendre la couverture maladie a un grand coût. C’est pourquoi un grand nombre de citoyens sont en colère. Ils ne veulent pas que leur système de santé leur coûte plus cher, surtout si cela revient à payer pour les autres. Nous avons déjà vu les coûts augmenter durant les cinq-dix dernières années. Pourquoi ne pas vouloir d’un système inspiré de ce que vous connaissez en Europe ? Vous savez, nous avons l’exemple du Canada. Ce pays dispose d’un système d’assurance-maladie. Eh bien, nous voyons des Canadiens venir aux États-Unis pour se procurer des soins car il existe des files d’attente dans leur pays. Or les Canadiens ne veulent pas attendre. Les Américains sont pareils. Quand ils veulent quelque chose, ils le veulent tout de suite. Nous parcourons des milliers de miles [1 mile = 1,6 km] pour nous rendre à tel hôpital et recevoir tel protocole, parce que nous savons que les soins y seront meilleurs. Et nous ne voulons pas que cela change. Les gens craignent que la réforme conduise à un nivellement de la qualité des soins vers le bas.
On a beaucoup glosé sur le rôle des lobbies. Les républicains, et certains démocrates y compris, sont-ils sous influence ?
Les lobbies représentent parfois des groupes de personnes minoritaires, mais il leur arrive aussi de représenter une position consensuelle. Vous pouvez avoir cette idée d’une couverture universelle, mais il vous faut faire des compromis. Sans oublier le plus important, c’est-à-dire qu’une majorité des gens y est opposée. Les pressions, si elles s’exercent, concernent l’étage fédéral. À l’échelle d’un État comme celui de New York, où je suis élu, les conséquences de la réforme seront sévères pour les finances publiques. L’État de New York est l’un des rares États à ne pas recevoir de subventions fédérales pour faciliter l’accès aux soins au plus grand nombre, car nous faisons déjà cet effort. Mais en raison du chômage qui progresse, nous rencontrons des difficultés économiques croissantes. Et cela inquiète les citoyens.
L’État de New York pourrait être fortement pénalisé si la réforme d’Obama est appliquée, avec un déficit annuel supplémentaire d’un milliard de dollars dans le champ de la santé. Une centaine de cliniques seraient sur la sellette. Est-ce exact ?
Effectivement, si la version sénatoriale du projet devient la loi, il en coûtera un milliard de dollars de plus par an à l’État de New York. Alors que d’autres États recevront un tas de subventions fédérales pour augmenter l’accès aux soins, l’État de New York ne recevra rien. Peut-être faut-il s’attendre à des coupes budgétaires dans d’autres secteurs – l’éducation, les ponts ou les transports par exemple. Dans le champ de la santé, l’État de New York dispose de très bons hôpitaux, parmi les meilleurs aux États-Unis. Il se peut que nous voyions venir des habitants de loin pour recevoir des soins ici. D’où un possible encombrement de nos hôpitaux. C’est vraiment habituel aux États-Unis de faire beaucoup de route pour se faire soigner. Je vis à 300 miles de la ville de New York. Lorsque mon fils a eu besoin d’une opération, nous avons fait la route jusqu’à New York City pour trouver un bon médecin. Je ne dirais pas que cela est normal, mais nous n’avons guère le choix.
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