C’EST LE COUP de gueule d’Israël Nisand, chef du pôle de gynécologie obstétrique du CHU de Strasbourg, qui a décidé la délégation de l’Assemblée nationale à se pencher sur la contraception des mineures. Le professeur dénonçait en octobre dernier le silence dans lequel de plus en plus de jeunes filles avortent chaque année. Elles étaient en effet 14 500 en 2007, contre 11 320 en 2001. « Derrière la froide statistique d’un taux d’IVG des mineures de 10,8 ‰ en 2007 pour la métropole et de 25 ‰ dans les départements d’outre-mer, se cachent des séquelles psychologiques ultérieures (...), sans compter la solitude et la détresse extrêmes des filles qui y recourent en cachette de leur famille et dont le nombre demeure inconnu », rappelle Bérengère Poletti en introduction de son rapport.
Des lois existent pour faciliter l’accès à la contraception des plus jeunes, « l’information et l’éducation à la sexualité sont tout à la fois surabondantes par la multiplicité des acteurs qui y participent et la diversité des supports qui les diffusent », reconnaît la rapporteur, et 9 premiers rapports entre adolescents sur 10 seraient protégés. Pourquoi le nombre d’IVG augmente-t-il donc toujours ?
Dans son rapport, la députée examine les nombreuses faiblesses d’un système qui semble voué à l’échec, par son seul paradoxe, dénoncé depuis plusieurs années par Nathalie Bajos, directrice de recherche à l’INSERM : les Françaises ont droit à une contraception d’urgence et un avortement anonyme et gratuit, non à une contraception régulière.
Une information inefficace.
Les mineures sont avant tout mal renseignées. Premier vecteur, le système scolaire est pointé du doigt par Bérengère Poletti. Si la loi du 4 juillet 2001 a rendu l’éducation à la sexualité obligatoire, l’approche comparative avec les modes de reproduction animale dans le primaire est jugée trop théorique, et les notions d’anatomie trop stéréotypées au collège et lycée. La rapporteur note également de grandes disparités d’une structure à une autre, en fonction des académies, des chefs d’établissements, des enseignants, et des pressions des parents d’élèves.
Au niveau national ou régional, les initiatives sont également de portée limitée. Les campagnes d’information, quand elles traitent non seulement du sida, mais aussi de la contraception, n’ont pas d’impact à long terme si elles ne sont constamment renouvelées. Car il ne faut pas sous-estimer la force des idées reçues : « malgré la diversité des actions d’information menées, de multiples représentations erronées de la sexualité et de la contraception persistent et continuent de se diffuser, notamment par l’intermédiaire des forums de discussions que fréquentent les intéressés sur internet », signale la rapporteur. Les adolescentes persistent ainsi à croire que la pilule fait grossir, rend stérile, protège contre le VIH ... ou encore qu’il est impossible de tomber enceinte pendant ses règles. Bérengère Poletti alerte au passage les concepteurs des manuels de Sciences de la vie et de la terre contre le mythe du « quatorzième jour », date supposée du début de l’ovulation, en dehors de laquelle il n’y aurait aucun risque de fécondation.
Comme pour l’information, la contraception est loin d’être inexistante. Selon les chiffres de 2007 (les plus récents à ce jour) de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS), 2/3 des jeunes femmes avaient utilisé une méthode contraceptive le mois avant leur interruption de grossesse, dont 42 % la pilule. Pour expliquer ces échecs, Bérengère Poletti dénonce la mauvaise observance de la contraception orale, que ce soit par inadvertance, ou par pression du milieu social. Difficile en effet de cacher aux parents une prise quotidienne d’hormone. Par conséquent, la rapporteur suggère que le « tout pilule » n’est pas forcément la meilleure des solutions, surtout pour les jeunes filles sans partenaire régulier.
Formation des adultes.
Aussi faut-il garantir un accès anonyme et gratuit à la contraception pour toutes les mineures, préconise-t-elle, qui englobe une visite médicale auprès d’un professionnel de santé prescripteur et la délivrance d’une méthode contraceptive adaptée. Car la perspective de dépenser entre 17 et 25 euros pour une consultation chez un généraliste ou un gynécologue, sans compter le coût d’un implant ou de la pilule pour celles qui ne possèdent pas de carte vitale, reste rédhibitoire. Et le recours aux centres de planification sociale, aux maisons des adolescents, ou aux infirmeries scolaires n’est pas évident en zone rurale notamment. Dans la même perspective, Bérengère Poletti souhaite « engager, sans tarder, des négociations avec les laboratoires pharmaceutiques afin de parvenir à un accord sur le remboursement des pilules de troisième génération, des timbres contraceptifs et des anneaux vaginaux ».
Parmi les autres recommandations, la députée insiste sur la formation des adultes référents, dont les professeurs et directeurs d’établissements, qui devraient recevoir à la rentrée de nouvelles préconisations du ministre Luc Chatel (inscription obligatoire de séances annuelles d’éducation à la sexualité dans le projet d’établissement, mutualisation des équipes de formateurs spécialisés...). Les professionnels de santé, en particulier les sages femmes et généralistes, sont également incités à se former à ces problématiques. Enfin, elle préconise de nouvelles campagnes nationales d’information qui s’adressent aux adolescents, y compris les hommes, mais également à leurs parents, « trop souvent absents de ce débat », via la presse régionale, ou aux enfants, à travers des actions ludiques.
Des mesures qui s’élèveraient à 18,5 millions d’euros, à mettre en regard avec les 9,2 à 10,3 millions que coûteraient, selon les extrapolations, les IVG des jeunes de 15 à 19 ans. Et qui éviteraient beaucoup de souffrances.
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