Près d'un adulte sur quatre est hypertendu. En 2025, ce sera 1,5 milliard de sujets concernés à travers le monde, selon les projections. Alors qu'il s'agit d'un facteur de risque cardio-vasculaire majeur modifiable, la course de ce « tueur silencieux » ne s'inverse pas, malgré les avancées scientifiques.
« The Lancet » a pris ce problème de santé publique à bras-le-corps en lançant une commission dédiée. « Le principe des "Lancet Commissions" est de constituer un panel d'experts indépendants et représentatifs au plan international, explique le Pr Pierre Boutouyrie, pharmacologue à l'hôpital européen Georges Pompidou (HEGP) et l'un des experts désignés. Les sociétés savantes ont été mises au courant de ce travail mais n'y ont pas participé ».
La ligne directrice de ce travail collégial international était d'identifier des points concrets sur lesquels il est possible de faire « des progrès conséquents et mesurables », explique Pierre Boutouyrie. Dix points-clefs ont été définis, à mettre en place très tôt au cours de la vie, parfois dès l'enfance pour prévenir sinon retarder le plus possible l'apparition de l'HTA et empêcher le vieillissement vasculaire précoce (« Early Vascular Aging » mesurable à l'aide de la rigidité artérielle).
Connaître ses chiffres de PA
Ces mesures concernent quatre grands domaines : la prévention par le mode de vie et l'environnement (environnement faisant la promotion de la santé, comportements sains, accès à la mesure de pression artérielle PA) ; l'évaluation et le diagnostic de la PA (qualité de la mesure, responsabilisation du patient ou « empowerment », hypertension secondaire) ; la surveillance et la prévention pharmacologiques (élargissement des collaborateurs pour les soins, accès aux médicaments, standardisation des traitements) ; renforcement des systèmes de soins.
Pierre Boutouyrie souligne un point primordial et… un peu déconcertant. « Tout le monde ne connaît pas sa PA, explique-t-il. Le diagnostic est trop tardif, y compris dans les pays développés. Dans les pays en développement, le diagnostic est posé au stade de complications. Bien mesurer la PA avec des appareils validés est un réel enjeu, même en France ». La définition retenue de l'HTA a été voulue très opérationnelle (140 mmHg de systolique et/ou 90 mmHg de diastolique), même si « les seuils peuvent changer en fonction de l'âge et des comorbidités », tempère le Pr Boutouyrie.
La démédicalisation de la prise de PA est une autre préoccupation majeure. « Des actions de formation doivent être étendues aux milieux non médicaux, par exemple les pharmacies et même les commerces, poursuit Pierre Boutouyrie. Aux États-Unis par exemple, des études ont été réalisées avec des coiffeurs, les patients étaient mieux contrôlés. »
Simplifier les recommandations
La « Lancet Commission » ne mâche pas ses mots sur la simplification des protocoles de diagnostic et de prise en charge. « Cette forte injonction ne va pas sans quelques frictions avec les sociétés savantes, se souvient Pierre Boutouyrie. Leurs recommandations sont des documents de référence esentiels mais non opérationels. Il faut rendre les compréhensible aux usagers ».
L'éducation des patients est capitale. « Bien souvent, les patients n'ont pas saisi les enjeux du traitement, regrette le praticien hospitalier parisien. Quand c'est bien compris, l'adhérence et l'observance sont bien meilleures ». Il y a quelques années, le comité de lutte contre l'HTA avait lancé une bande déssinée (BD) à l'inititiative du Pr Xavier Girerd, se rappelle Pierre Bououyrie, qui appelle à relancer et à renforcer ce type d'initiatives.
Vient ensuite la notion de responsabilisation des patients (« empowerment ») qui vise à les rendre pleinement acteurs de leur santé. Des algorythmes simples leur permettraient de faire les adaptations de traitement nécessaires eux-mêmes « Les patients en sont désireux, poursuit Pierre Boutouyrie. Cela se fait dans l'insuffisance cardiaque où les patients diminuent la dose de diurétiques en cas de temps chaud ou l'augmentent en cas de prise de poids. »
L'accent est mis sur la prévention primordiale, un concept apparu il y a 3-4 ans aux États-Unis. « Il s'agit de promouvoir les comportements vertueux pour la santé, explique Pierre Boutouyrie. Les Américains ont été affolés de constater au cours d'une étude qu'aucun des jeunes de 18-25 ans n'avait tous les indicateurs favorables. Cela passe par : faire plus d'activité physique, limiter l'alcool, baisser la consommation de sel, lutter contre le surpoids, etc. Ces mesures simples permettent de décaler dans le temps l'apparition de l'HTA. »
The Lancet ; 388: 2665-712. Publié le 26 novembre 2016
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