DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
LORSQU´ILS SONT confrontés brutalement à des crises financières, certains pays essayent de réduire leurs dépenses publiques, y compris sanitaires, pour tenter d’y faire face, alors que d’autres s’efforcent de maintenir leur protection sanitaire. Les pays qui ont choisi ou dû se résoudre à la première solution, comme le Mexique, qui a divisé ses dépenses de santé par deux en 1980, ou, certains pays de l´Est au début des années 1990, ont finalement payé cette politique beaucoup plus cher, socialement puis financièrement, que ceux qui, comme l´Argentine ou la Thaïlande, ont préservé leur système de santé malgré l´écroulement de leur économie, à la fin des années 1990. Aujourd´hui, prévient le Dr Armin Fidler, médecin et économiste de la santé à la Banque mondiale, certains pays européens, comme la Lettonie, la Lituanie ou la Hongrie, sont à deux doigts de la faillite totale de leur système de santé. La situation de ces pays est d´autant plus grave que cet effondrement n’est en général que la dernière étape d´un processus qui commence avec l´explosion du chômage puis la chute des budgets sociaux : la protection sanitaire disparaît alors justement au moment où les gens en ont le plus besoin.
L’Europe occidentale, avec des systèmes sociaux anciens et éprouvés, devrait échapper à ces scénarios, ce qui n’empêche pas qu’elle doive elle aussi réagir. Pour le Dr Fidler, les plans de relance doivent prioritairement porter sur l´emploi, qui constitue « la meilleure politique de santé », mais il est légitime de consacrer, comme l’ont fait par exemple les États-Unis ou l’Allemagne, un certain pourcentage de ces plans à la modernisation des structures de santé… même si les effets de celle-ci ne peuvent immédiats.
Faible protection sociale.
Au-delà de la macro-économie, la crise a aussi des effets immédiats sur la santé des individus, dont certains sont paradoxalement positifs, comme l’avaient déjà noté certains médecins et observateurs lors de la crise de 1929 : il est bien sûr beaucoup plus « sain » de vivre dans un monde qui fonctionne moins vite. Actuellement d´ailleurs, le ralentissement économique a un effet positif sur la mortalité par accidents de la circulation, puisque les gens ont tendance à moins circuler. Mais ces aspects sont largement compensés par des conséquences négatives, souvent ressenties mais difficiles à quantifier.
David Stuckler, sociologue de la santé à l´université d´Oxford, a cherché les liens entre la progression des suicides et celle du chômage, un thème brûlant dans toute l´Europe. En Suède, pays à forte protection sociale mais où le chômage a beaucoup augmenté ces dernières années, il n’y aucune corrélation entre les deux courbes : les suicides continuent de baisser régulièrement même quand le chômage progresse. À l’inverse, les courbes du chômage et du suicide connaissent des évolutions parallèles en Espagne depuis une vingtaine d´années. Selon le sociologue, plus la protection sociale est faible et plus la corrélation avec le chômage est forte, comme le montrent bien ces exemples confirmés dans d’autres pays lors d’autres crises économiques. Ce sont en effet dans les pays sans protection sociale que le suicide a le plus explosé lors des crises, par exemple aux États-Unis en 1929 ou en Europe de l’Est après 1989, avant de régresser lors des années suivantes.
En revanche, l´explosion des suicides a été largement compensée pendant la Grande Dépression, de 1929 à 1932 en Amérique du Nord, par une baisse générale de la mortalité, et notamment de celle liée à l’alcool, après la Prohibition aux États-Unis, de 1920 à 1933. À l’inverse, les pays dévastés économiquement voient leur mortalité générale, y compris par suicide, exploser si leurs habitants ont un accès facile aux substances psychoactives et surtout à l’alcool.
Les systèmes de protection sociale bien développés ont clairement un effet bénéfique sur la prévention des suicides, en réduisant le stress et les troubles psychologiques liés à la perte d’emploi, sans parler bien sûr des aspects financiers qui préviennent la chute dans la pauvreté. Toutefois, conclut David Stuckler, ce sont les politiques de l’emploi qui sont les plus efficaces pour réduire les taux de suicide, loin devant les mesures d’ordre purement social ou sanitaire.
Facteur de croissance.
Les médecins constatent eux aussi tous les jours que ce sont les plus vulnérables qui sont les plus touchés par la crise et ses effets, a souligné pour sa part le Dr Michael Wilks, président du Comité permanent des médecins de l’Union européenne (CPME), en rappelant les conséquences du chômage sur l’éclatement des familles, sur la violence, l’alimentation et les abus de substances. Mais, dans la crise, le secteur de la santé doit aussi être vu comme un facteur de croissance, a-t-il poursuivi : il est urgent de soutenir l’emploi dans ce domaine, à l’heure ou il manque dramatiquement de personnels qualifiés, notamment infirmier, et où les migrations de l’Est vers l’Ouest sont la seule réponse, imparfaite, à cette pénurie.
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