« Le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) a été créé en 1975 pour répondre aux besoins d’information spécifiques à la femme enceinte et allaitante sur la pharmacopée, indépendamment de celle des laboratoires pharmaceutiques. Il est destiné aux professionnels de santé, notamment les médecins généralistes qui suivent de nombreuses grossesses, les sages-femmes et plus largement à tous les prescripteurs », rappelle la Dr Élisabeth Elefant (Crat, Paris).
Le Crat dispose depuis 2006 d’un site internet public accessible à tous, consulté largement (24 000 connexions/jour). Actuellement, 1 100 fiches d’information y sont consultables. « À ce jour, le site n’ambitionne pas l’exhaustivité. Les nouvelles fiches sont réalisées en fonction de la fréquence des demandes [qui peuvent être formulées par les professionnels de santé par téléphone, fax ou mail]. Mais il faut tenir compte aussi des possibilités rédactionnelles, c’est-à-dire de l’existence, ou pas, d’informations publiées ainsi que de celles dont nous disposons en propre au Crat ». Le centre a effet constitué une base de données dédiée qui offre des éléments originaux d’analyse. « Aujourd’hui cette base cumule plus de 67 000 dossiers. Elle est constituée des cas qui nous ont été soumis », explique la toxicologue. Les prescripteurs qui sollicitent le Crat sont en effet appelés à répondre à un questionnaire d’issue de grossesse. Ces retours, d’assez bonne qualité (avec 75-80 % de réponses), apportent de précieuses informations. Ils permettent de constituer des séries et d’effectuer une analyse épidémiologique. « Ces données originales parfois très parcellaires − série limitée à quelques cas − sont néanmoins très utiles, notamment lors de l’arrivée de nouvelles thérapeutiques », indique la Dr Elefant.
Une activité importante en pneumologie
Du fait de la fréquence des pathologies pneumo-allergologiques chez les femmes enceintes, le domaine est largement couvert par le Crat : quasi tous les traitements ont fait l’objet d’une fiche, à l’exception des thérapeutiques les plus récentes. Globalement, il n’y a pas d’aménagement spécifique pour la majorité des traitements tout-venant chez la femme enceinte.
En allergologie, ils ne posent pas problème d’une manière générale. Il faut néanmoins préférer les antihistaminiques récents à la Polaramine ou l’Atarax, qui ont des propriétés sédatives et atropiniques.
Dans l’asthme, les bêta-2-mimétiques d’action longue (B2LA) ont d’abord été vus avec réticence avant d’être tout à fait acceptés chez la femme enceinte. Pourtant, l’affaire a rebondi l’an passé avec le pictogramme de mise en garde apposé sur les boîtes de médicaments par certains laboratoires. Or, les données de pharmacocinétiques montrent l’absence de danger des B2LA lors de la grossesse car, par voie inhalée, leur résorption systémique est négligeable. L’arrêt inopiné d’un traitement efficace peut conduire à un état de mal asthmatique maternel induisant des séquelles potentielles pour l’enfant. C’est pourquoi il faut privilégier le contrôle de l’asthme et mettre en garde les femmes contre les arrêts de traitement.
Le cas des IgG anti-IgE type Xolair est un peu plus complexe. On a des données limitées. En début de grossesse, les IgG ne passent pas le placenta. D’où une absence de risque malformatif a priori. En revanche, dès le second trimestre ils passent largement. C’est pourquoi, même si leur mécanisme d’action spécifique n’évoque pas de toxicité fœtale, on les interrompt si possible à ce moment-là. Ils peuvent être repris si nécessaire, mais uniquement après discussion et en dernier recours.
Enfin dans la BPCO, le principal est de privilégier la bonne fonction respiratoire de la mère. Elle a un impact important sur le fœtus. Les bêta-2-mimétiques et corticoïdes inhalés ne sont pas interrompus, ni même les anticholinergiques quand ils sont nécessaires. Par voie inhalée, les concentrations médicamenteuses dans le sang de la mère sont négligeables, ce qui limite leur passage dans le compartiment fœtal.
Enfin les grossesses chez les femmes porteuses de mucoviscidose restent rares mais se développent. « Nous avons une très petite série de patientes traitées avec les dernières thérapeutiques », note la Dr Elefant. Il faut aussi savoir gérer des grossesses associées à une tuberculose, parfois multirésistante. En principe, on doit continuer une antibiothérapie efficace, et il n’y a pas de contre-indication formelle. On peut toutefois réfléchir de manière collégiale dans le but de l’adapter au cas par cas.
Entretien avec la Dr Elisabeth Elefant (Crat, Paris)
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