EN PRÉSENTANT ses vœux au monde de la Santé, à Chatillon-sur-Indre, à l’occasion d’un énième déplacement au contact de professionnels de terrain, le président de la République a exposé ses priorités : la concertation avec les médecins libéraux, l’équilibre des comptes sociaux de la santé, et la réforme du système du médicament. Mais indéniablement, comme en témoignent les commentaires du monde de la santé, la pédagogie présidentielle à trouvé ses limites.
Sur la réforme de la médecine de proximité, si le président a justifié, en s’en attribuant la paternité, la hausse de la rémunération des médecins généralistes, il s’est ensuite paraphrasé. « Il faut s’attaquer aux difficultés » des professionnels de santé, a-t-il répété, comme il le fait depuis le début de l’année…2010. Oubliant que ces professionnels de santé veulent le juger sur des actes et non sur des déclarations d’intention. Mais les décisions ne sont pas (encore) prises. Nicolas Sarkozy a affirmé qu’elles seraient annoncées par Xavier Bertrand « cette année », à l’issue de la concertation qu’il a lancée depuis le 6 janvier.
Sur l’équilibre des comptes de la Santé, le président s’est montré plus précis. Et plus directif, ce qui n’est pas pour rassurer. Il a rappelé que le montant de l’ONDAM (objectif national de dépenses d’assurance-maladie) était de 160 milliards d’euros par an. « Voilà pourquoi, a-t-il lancé, je ne laisserai pas les dépenses de santé déraper, voilà pourquoi je ne laisserai pas les hôpitaux s’abîmer dans les déficits ». Le président a été clair : « si des médicaments s’avèrent inefficaces, il faut les sortir du remboursement. Si des services hospitaliers éparpillés doivent être regroupés, il faut le faire ».
À propos du Mediator, le président « comprend la colère et l’incompréhension des familles des victimes ». Il a estimé que, sans mettre à bas tout l’édifice de sécurité sanitaire, cette affaire amène à se poser des questions sur le système de pharmacovigilance, sur l’indépendance, la transparence et l’impartialité des prises de décision, et sur l’accompagnement des prescripteurs. Le locataire de l’Élysée a expliqué qu’il attendait des « décisions structurelles » à partir de l’été prochain, appelant à une « refondation en profondeur » de la politique du médicament.
CSMF : profonde déception.
Les réactions du monde de la santé ont tardé, signe que le discours présidentiel n’a pas fait mouche.
La CSMF a pris connaissance des propos du chef de l’État « avec une profonde déception ». Le syndicat note que Nicolas Sarkozy « a confirmé les orientations définies par Xavier Bertrand le 6 janvier dernier » et surtout marqué la nécessité de respecter strictement l’ONDAM 2011 (2,9 %). Pour la CSMF, une telle feuille de route « anéantit les espoirs » récents, jugeant impossible une réforme de la médecine libérale dans un budget en réduction. À MG-France, le Dr Claude Leicher n’est pas plus tendre : « Nicolas Sarkozy dit que des décisions seront prises cette année pour revaloriser la médecine générale. Elles seront sans doute applicables au début de l’année 2012, j’appelle ça un calendrier électoral. Ca ne nous convient pas, on reste dans les effets d’annonce ». Claude Leicher relève qu’en 2010, les dépenses de soins de médecine générale ont reculé de 2 %. « Nous sommes vertueux en ne pratiquant pas la course à l’acte et en participant à la maîtrise médicalisée, analyse-t-il. Mais plus la profession est vertueuse, plus elle est punie ».
À Union Généraliste (UG, branche généraliste de la FMF), le Dr Claude Bronner prend acte de la volonté affichée par Nicolas Sarkozy d’une remise à plat de la rémunération. Mais c’est pour regretter aussitôt qu’il ne soit question que de refonte « et non de revalorisation ». Le chef de l’État a néanmoins repris l’idée (déjà énoncée par lui-même) de compléments de rémunération (forfaits) en lien avec certaines contraintes comme l’exercice en zones déficitaires.
Côté hospitalier, l’enthousiasme n’est pas à son paroxysme. Le Dr Rachel Bocher, présidente de l’INPH, regrette que les hôpitaux publics aient été oubliés dans le discours présidentiel. « Quand il dit comprendre le malaise des médecins, ce ne sont que des mots », ajoute-t-elle, regrettant le silence « sur les vrais problèmes de l’hôpital ». Quant au Dr François Aubart, président de la CMH, il n’a « rien vu de neuf ». « Nous ne sommes pas des partisans du toujours plus, prévient-il, mais la seule perspective dessinée par le président, c’est la grille financière ». Un peu court pour souhaiter la bonne année.
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