LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Est-ce le fait d’être vous-même jardinier qui vous poussé à vous lancer dans l’écriture de ce livre, destiné, dites-vous, au grand public ?
DENIS RICHARD - Beaucoup. J’en discutais récemment avec le directeur de mon hôpital, qui évacue le stress – comme moi – en faisant du jardinage chez lui, en rentrant le soir à la maison. J’ai écrit de nombreux ouvrages, sur les drogues notamment. J’aime faire de la pédagogie. J’avais donc envie de sensibiliser à cette question, montrer qu’il existe des études objectives prouvant les vertus de cette discipline.
Quels sont, pour vous, les intérêts thérapeutiques de l’hortithérapie ?
Le but n’est évidemment pas de produire, même s’il est toujours agréable de manger ce que l’on cultive. Il s’agit avant tout de créer du lien avec la nature, le jardin et le vivant. C’est un accompagnement, qui utilise le jardin comme un outil de médiation avec la nature, ayant un impact bénéfique aux plans somatique, psychique et spirituel. Les plantes sont une source inépuisable de stimulations sensorielles. Il est ainsi possible de travailler sur les odeurs, les saveurs, les textures. Prenez le toucher, par exemple, le travail porte sur les écorces, les mousses, les feuilles et les aiguilles qui se prêtent bien à la stimulation tactile. Un certain nombre de végétaux permettent aussi d’évoquer des souvenirs et de faire « remonter » des images. C’est le cas du muguet, bien sûr, mais aussi des roses, des violettes, des pensées ou des marguerites et tant d’autres fleurs… Cela concourt à faire resurgir des souvenirs, car ces végétaux constituent autant de repères familiers. Je pourrai en dire autant des bienfaits de l’art-thérapie ou de la musicothérapie.
Le jardinage est une pratique qui revient à la mode. Comment expliquez-vous que l’hortithérapie ait eu du mal à s’installer en France, à l’inverse des pays anglo-saxons ,qui font figure de pionniers?
Il a fallu tout le dynamisme d’Anne Ribes, qui a préfacé mon livre, pour que l’art du jardin soit remis au goût du jour dans les hôpitaux français. Mais il est vrai que nous sommes en retard. Les institutions américaines et anglaises ont reconnu, depuis plus de cinquante ans, l’influence du contact avec la flore et la terre sur la santé psychique, physique et morale. La France reconnaît cette obligation à repositionner l’Homme au centre de la nature. Mais elle ne se donne sans doute pas assez de moyens pour arriver à ses fins. Dans les années 1970, nos préoccupations étaient tournées vers des loisirs jugés, à l’époque, plus modernes. On voit bien que les choses sont en train de changer. Regardez, par exemple, l’explosion des chiffres d’affaires des jardineries. C’est un loisir qui retrouve ses lettres de noblesse. Dans le monde hospitalier, on ne peut pas tout à fait en dire autant. Nous n’avons, contrairement aux Etats-Unis, pas de diplômes universitaires officialisant cette pratique. Dans la culture anglo-saxonne, le rapprochement avec la nature est plus évident qu’ici. Je rappelle qu’au XIXe siècle, il y a eu un développement très important des pépiniéristes en Angleterre, quand nous développions d’autres centres d’intérêts. La nature y est moins riche qu’en France et le climat y est plus triste. Est-ce pour cette raison que les serres avec des plantes exotiques ont poussé comme des champignons ? Il y avait sans doute un besoin de recréer une nature chatoyante. Un problème auquel nous n’étions pas confrontés.
LA PRÉSENCE DE LA NATURE DANS LES HÔPITAUX EST INDISPENSABLE
Très documenté, votre livre cite la plupart des expériences menées au cours de l’histoire, quelles sont celles qui ont retenu votre attention ?
En France, l’action d’Anne Ribes est remarquable. Les travaux des Menninger, ces psychiatres du Kansas, aux États-Unis, qui ont ouvert la voie, sont cruciaux.
Allez-vous créer un jardin thérapeutique dans votre hôpital ?
J’espère bien que l’on pourra le faire. L’aspect pratique, c’est Anne Ribes qui s’en occupera. Si j’en juge l’intérêt des télévisions, des journaux et des magazines, l’écho de ce livre est considérable. Cela m’aidera peut-être à accélérer les choses. Le but pour nous sera de réaliser par ce biais un travail trans-générationnel pour soigner les troubles mentaux, la perte d’autonomie, les maladies dégénératives.
La prise en compte des éléments naturels dans la conception des hôpitaux modernes est-elle suffisante à vos yeux?
Les architectes et les urbanistes y tiennent mais nous n’avons pas forcément les personnels pour le faire durablement. Le fait d’avoir un jardinier à disposition faciliterait la création de jardins thérapeutiques. Or, le plus souvent, ce sont des entreprises privées qui se chargent de l’entretien. C’est dommage. Cela n’empêcherait pas d’envisager des interventions extérieures, de jardiniers, pépiniéristes ou paysagistes, qui donneraient des conseils de plantation ou de travail de la terre ? Serait-ce vraiment insupportable financièrement ? Je ne crois pas. La présence de la nature dans les hôpitaux est indispensable. Il est notamment prouvé qu’un patient psychiatrique dont la fenêtre donne sur un jardin ou des fleurs a moins besoin d’antalgiques qu’un malade ayant un parking ou du béton pour horizon.»
Quel regard les médecins travaillant à vos côtés portent-ils sur cette discipline ?
Dans l’ensemble, ils approuvent mais ne veulent pas s’en occuper faute de temps. Ils ne souhaitent pas non plus être formés. Ce sont donc les infirmières et les aides-soignantes qui s’occupent des petits espaces verts thérapeutiques que nous avons bâtis. Est-ce vraiment de leur faute ? C’est le cadet des soucis du ministère de la Santé. Pourtant, je suis persuadé que cela constitue, en partie, une réponse au problème du Médiator. On le voit bien sur le Net, notamment, les gens attendent des médecins qu’ils prescrivent autre chose – des infusions, des pratiques sportives – que des médicaments traditionnels.
Denis Richard, « Quand jardiner soigne », Delachaux & Niestlé, 192 p.,19 euros.
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