« Dites, docteur, ce patient que vous suivez et qui a été condamné pour viol sur mineur en 2003… Il va se remarier et il y a des enfants au domicile de sa future femme… Vous pensez que ça pose un problème ? » La question, en soi difficile, devient vraiment ardue quand c'est le juge d'application des peines qui la pose. Mais il en faudrait plus pour désarçonner le Dr Laurent Desblancs. Depuis douze ans, ce psychiatre nantais suit des auteurs d'infractions sexuelles en tant que médecin coordonnateur dans le cadre des mesures d'injonction de soins.
« C'est un peu une mission d'équilibriste », reconnaissait-il lors du colloque « (Se) soigner sous la contrainte », organisé en juin dernier à la fac de droit de Nantes. « C'est un métier », estime de son côté le Dr Annie Navarre-Coulaud, qui assume la même fonction à Dieppe. Une chose est sûre : dans le cadre des injonctions de soins, le médecin coordonnateur se retrouve sur un terrain habituellement peu fréquenté par la profession médicale.
Auxiliaire de justice, pas thérapeute
Apparues en 1998, les injonctions de soins permettent de suivre, sur décision du juge, un public principalement constitué d'auteurs d'infractions sexuelles qui sortent de détention. Environ 5 000 de ces mesures sont en cours actuellement. La spécificité de ce dispositif ? Elle fait intervenir deux praticiens : le premier en tant que soignant, et le second en lien avec le juge. C'est le fameux médecin coordonnateur, fonction généralement assumée par un psychiatre hospitalier qui aide le patient-justiciable à trouver un thérapeute (psychologue ou psychiatre), le reçoit une fois par trimestre pour faire le point avec lui, transmet au moins une fois par an au juge d'application des peines un rapport contenant tous les éléments nécessaires au contrôle de la mesure…
« Le médecin coordonnateur, dans le cadre de l'injonction de soins, est considéré comme un auxiliaire de justice et non comme un soignant », résume Virginie Gautron, maître de conférences en droit à la fac de Nantes qui explore depuis plusieurs années les liens entre santé et justice. Et ce positionnement n'est pas sans parfois poser quelques problèmes. Les juges d'application des peines s'imaginent en effet souvent pouvoir obtenir auprès des coordonnateurs des informations sur le contenu des thérapies, et se retrouvent frustrés quand celles qu'ils reçoivent ne vont pas plus loin que le nombre de rendez-vous avec le thérapeute.
Difficultés d'accès aux soins
D'autres difficultés viennent s'ajouter à l'exercice du médecin coordonnateur. Le public pris en charge est souvent précaire, changeant fréquemment d'adresse, ce qui ne favorise pas le suivi. Par ailleurs, les soignants volontaires et formés pour prendre en charge les délinquants sexuels sont rares. « Les filières sont encombrées, et les délais d'attente sont souvent de deux à trois mois dans les CMP [centres médico-psychologiques, NDLR] », note Laurent Desblancs.
Virginie Gautron va d'ailleurs jusqu'à parler de « filières de soins ségrégatives » tant les difficultés d'accès au système de santé sont réelles pour ces personnes qui sortent de prison avec l'obligation de se soigner. Voilà qui rend la fonction de coordonnateur d'autant plus importante… et prenante. « J'essaie de ne pas dépasser 40 dossiers, c'est déjà beaucoup », indique Laurent Desblancs qui dit consacrer une demi-heure par rendez-vous à ses patients (et une heure pour la première rencontre). Annie Navarre-Coulaud, quant à elle, dit avoir actuellement 57 mesures en cours.
Un travail qui, d'après les praticiens concernés, porte ses fruits. « Dans l'immense majorité des cas, je note une évolution positive du justiciable », témoigne Annie Navarre-Coulaud.
Quand on demande à Laurent Desblancs de résumer ce qu'il apporte à ce public, il fait preuve de plus de prudence : « Je rends la rencontre soignante possible », affirme-t-il. Et c'est déjà beaucoup.
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