1949. Mao proclame la République populaire de Chine, le Pr Liu décroche son diplôme de radiothérapeute. Direction la campagne après une courte expérience à Shanghai. « Durant les années 1950, rappelle-t-il, tous les médecins étaient envoyés dans les villages pour soigner les paysans. J’ai vu des cancers très avancés et les difficultés des paysans pour se soigner. Le progrès médical a été lent pendant à cette époque. Mais petit à petit, l’état de santé des gens s’est amélioré. »
À son retour à Shanghai, le Pr Liu intègre l’hôpital Fudan. Il consacrera toute sa carrière à la lutte contre le cancer. L’équipement très simple importé d’Allemagne ou d’Amérique, utilisé sans protection aucune dans les années 1950, a progressivement laissé la place aux techniques dernier cri – au moins dans les grandes villes. Un centre de protonthérapie devrait ouvrir ses portes à Fudan d’ici peu. Si la Chine a les moyens d’acheter comptant, plus délicate est la mise à niveau de ses médecins. Le Pr Jean-Paul Le Bourgeois a relevé lors de ses missions en Chine « la faiblesse de la formation médicale de base ». « Cette situation semble se pérenniser, notait l’oncologue parisien en 2006 (2). C’est là une des conséquences de la Révolution culturelle qui avait laminé les universités en général et les facultés de médecine en particulier. Ce n’est qu’au début des années 1990 qu’un programme national de formation a été remis en place, qui garde un cursus de base de cinq ans dans beaucoup de facultés. »
Le Pr Liu a côtoyé le Pr Le Bourgeois dans le cadre de la coopération sinofrançaise en oncologie, qui permet à des étudiants chinois de venir se former en France depuis 25 ans. Ils y apprennent des techniques, la pluridisciplinarité. Une notion inconnue en Chine où l’individualisme règne en maître. Le Pr Liu mesure le chemin parcouru. « La Chine a su profiter de la direction donnée par les docteurs étrangers pour mieux traiter le cancer », dit-il. Reste à combler les inégalités. Un énorme défi.
Les cancers traditionnels chinois (cavum, œsophage, foie) reculent tandis que se développent les tumeurs occidentales (sein, poumon, côlon, prostate). En cause, la « westernisation » du mode de vie, et les dépistages précoces. Mais tous les Chinois n’ont pas la chance de consulter tôt : « Il y a un problème d’accès car les soins en radiothérapie coûtent très cher, observe le Pr Liu. Cela arrive qu’on n’opère pas car le patient n’a pas l’argent. Certains Shanghaiens font des donations pour permettre aux pauvres de se faire opérer. À la campagne, les gens ont encore moins de moyens qu’en ville ». Autre facteur d’inégalité, le manque d’équipement. Résultat, en 2006, moins d’un Chinois sur trois ayant eu besoin de radiothérapie a pu être traité.
La médecine chinoise de demain ? Les yeux du Pr Liu pétillent d’optimisme : « Le défi du futur, dit-il, c’est le mélange entre notre médecine multimillénaire et la médecine occidentale. La chirurgie et la radiothérapie ont une action locale, alors que le cancer est une maladie répandue dès le commencement. Le traitement du cancer se fait et se fera toujours par le médicament. Beaucoup de médicaments viennent des herbes chinoises. L’atropine, par exemple. Ce qu’il faut, c’est trouver les bases scientifiques de la médecine traditionnelle. »
(1) L’université jésuite Aurore a formé les élites chinoises durant la première moitié du XXe siècle.
(2) Extrait d’un courrier adressé à la rédaction d’une publication spécialisée en radiothérapie par le Pr Jean-Paul Le Bourgeois, qui exerçait alors à l’hôpital Henri Mondor (AP-HP). Le Pr Le Bourgeois est décédé depuis.
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