LA SALLE de la commission d’enquête sur « le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le gouvernement de la grippe H1N1 », dans l’ambiance traditionnellement feutrée du Sénat, a parfois évoqué un ring. Les échanges entre un président tour à tour caustique et offensif, le sénateur communiste François Autain, et une ministre qui revendique son « choix exigeant de protéger la santé de (ses) concitoyens plutôt que d’envisager le seul coût financier » ont été parfois violents.
Au cur des investigations sénatoriales, la question de l’expertise et de son indépendance a d’abord été passée au crible. « Y a-t-il des membres de votre cabinet qui aient entretenu des liens avec l’industrie depuis moins de cinq ans ? », a demandé François Autain. « Pourquoi les membres du comité de lutte contre la grippe mis en place en 2008 n’ont-ils pas rendu public, dès leur nomination, leurs conflits d’intérêt ? » « Pourquoi la liste des membres du comité d’urgence contre la grippe, à l’OMS (Organisation mondiale de la santé) n’a-t-elle pas été rendu publique ? » « Vous en êtes-vous inquiétée auprès des responsables de l’organisation ? »
À défaut de répondre exactement à chacune de ces interrogations, la ministre a décrit les nombreuses strates de l’expertise, organisée, assure-t-elle, « dans la transparence et la collégialité : en France les agences sanitaires, aux expériences multidisciplinaires et transversales (Institut de veille sanitaire, Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé...), les nombreux comités d’experts spécialisés et autres sociétés savantes (réanimateurs, pneumologues, infectiologues...) ; en Europe, le Centre européen de contrôle des maladies, l’Agence européenne du médicament. Et, bien sûr, au niveau mondial, le rôle prépondérant de l’OMS, forte de ses deux principales structures (le comité stratégique SAGE et le comité d’urgence contre la grippe). »
À chacun de ces niveaux, a assuré Roselyne Bachelot, « les experts ont systématiquement validé leurs conclusions sous le sceau de la collégialité, posant avec la plus grande loyauté beaucoup plus de questions qu’ils ne fournissaient de réponses ».
879 millions de dotation à l’EPRUS
Sur la stratégie d’acquisition des vaccins, la ministre s’est voulue tout aussi catégorique, déroulant le calendrier des négociations passées avec les laboratoires, avec trois phases successives : la préréservation des doses, destinée, avec des lettres d’intention, à positionner la France au sein des pays prioritaires pour les premières livraisons ; l’intervention de l’EPRUS (l’établissement chargé de la gestion des stocks), alors que les laboratoires n’étaient pas encore en possession des souches virales, la France subordonnant ses commandes à l’obtention des AMM (autorisations de mise sur le marché) ; la notification, enfin, des commandes, le 3 juillet, après un arbitrage du Premier ministre, la CNAM (Caisse nationale d’assurance-maladie) débloquant une dotation de 879 millions d’euros à l’EPRUS. Toutes ces négociations, malgré les incertitudes de l’époque, à divers niveaux, la situation d’urgence et les limites des capacités de production des industriels, ont été « menées de manière extrêmement sérieuse par les représentants de l’État », a affirmé Roselyne Bachelot.
Le 4 janvier, d’une logique de la pénurie, on bascula brutalement dans une logique de la pléthore : « Sur la base de la possibilité de résiliation unilatérale d’un contrat passé par la puissance publique », la commande de 50 millions de doses a été annulée (32 millions pour GlaxoSmithKline, 11 millions pour Sanofi-Pasteur et 7 millions pour Novartis). « Nous nous appuyons sur deux principes, a indiqué la ministre : les laboratoires seront tous traités à la même enseigne et les calculs des indemnités ne devront pas couvrir des manques à gagner mais des dépenses et des frais réellement engagés. À cet égard, un premier accord, signé avec Novartis, devrait, espère-t-elle, servir de référence : il a été conclu sur la base de 16 % du marché initial. » À défaut de mener à bien ces négociations, des notifications seront adressées, « dans les tout prochains jours », aux deux autres partenaires. Quitte à ce que des recours juridiques soient engagés par la suite.
Au total, la France pourrait ainsi débourser près de 50 millions d’euros, au titre des indemnisations des laboratoires. Ce qui fait s’interroger François Autain : « Pourquoi les contrats ont-ils été souscrits en l’absence de toute clause de sauvegarde ? » Et, subsidiairement, le président de la commission de poser l’ultime question qui fâche : « Et, de toute manière, en lançant la campagne deux mois après le début de la circulation du virus dans l’hexagone, la vaccination n’était-elle pas, dès le départ, inutile pour faire barrage à l’épidémie ? »
« Le temps n’est plus à l’urgence mais au retour d’expérience », avait constaté Roselyne Bachelot, en ouvrant cette tumultueuse audition. Comme l’avait souligné devant l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) l’économiste Claude Le Pen, c’est aussi « le temps des comptes ». Et aussi des règlements de compte.
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