IL N’Y A PAS que la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou les États-Unis qui mènent des politiques de santé dans le monde. Le 30 mai au Conservatoire national des Arts et Métiers (CNAM), à l’invitation de l’économiste Jean de Kervasdoué, Kieke Okma est venue délivrer ce message et défricher les terres inconnues des systèmes sanitaires de Taiwan, des Pays-Bas, de Singapour, de la Suisse...
Néerlandaise, professeur associé adjoint de Politiques de la santé et de gestion à la Wagner School of Public Services (Université de New York), Kieke Okma connaît son sujet. Elle constate que pour construire puis conduire une politique de santé efficace, il faut à la fois du temps, de la « modestie » dans les objectifs, et un cadre institutionnel stable. Quand ces conditions ne sont pas réunies, « ça ne marche pas », affirme-t-elle, citant l’exemple de l’assurance-maladie universelle, décrétée bien trop vite en Côte d’Ivoire.
Les recettes des dragons.
Pour autant, Kieke Okma recense « énormément de pays, rassemblant plus de 80 % de la population mondiale – en Europe, en Amérique, en Asie –, où la santé va à peu près bien ». Elle cite « le modèle un peu unique » de Singapour, où toutes les familles disposent de « comptes épargne individuel » alimentés par les employeurs, les particuliers et par l’État. « Tous ces comptes représentent un total de 40 milliards de dollars [31,8 milliards d’euros] alors que l’ensemble des dépenses de santé atteint 8 milliards [6,3 milliards d’euros] à Singapour. Étonnamment, 10 % seulement de ces 8 milliards proviennent des comptes épargne : les familles préfèrent payer les coûts de santé directement et garder leurs comptes pour le futur. »
Autre dragon asiatique, Taïwan s’est inventé un système de santé sur mesure et l’a édifié à la vitesse de l’éclair. « Taïwan voulait une couverture universelle, explique Kieke Okma. En étudiant les autres expériences, le pays est arrivé à la conclusion qu’il ne voulait pas des assurances privées – plus chères, plus dures à contrôler – et qu’une assurance sociale, sur le modèle canadien, fonctionnait mieux. Son plan a été mis en œuvre 5 ans plus vite que prévu ! Il repose sur une administration simple, standardisée et des dossiers électroniques. Le système mis en œuvre est très flexible ; il peut être facilement ajusté en cas de problème. »
Pesanteurs.
Cette « flexibilité » ferait cruellement défaut aux politiques de santé de la vielle Europe, à en croire l’universitaire, qui considère comme « un grand drame » le fait que « la Hollande (ait) mis plus de trente ans à réformer son système ». Drame aussi, à son sens : les choix opérés aux Pays-Bas comme en Suisse. Les deux États ont retenu le concept d’une « santé avec le consommateur au volant », sur fond d’ouverture totale de l’assurance au privé et à la concurrence. « Les gouvernements pensaient se mettre à part et ne plus s’occuper de santé ». Une illusion, pour Kieke Okma qui ironise toutefois : « Il est beaucoup plus facile pour une dictature que pour une démocratie de conduire une politique de santé. »
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