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EN FRANCE, les pauvres vivent dix ans de moins que les riches et cet écart ne cesse d’augmenter. S’appuyant sur des données épidémiologiques issues, entre autres, de l’OMS ou de l’OCDE, l’épidémiologiste britannique Richard Wilkinson soutient que les inégalités sociales, plus encore que le niveau absolu de revenus, déterminent les inégalités de santé et de longévité.
Pour preuve, l’absence de parallélisme stricte entre indicateurs économiques et indicateurs de santé et de bien-être aux États-Unis et dans d’autres pays riches. Le fait que les sociétés les plus riches soient aussi celles où la violence, la criminalité, l’usage des drogues, la souffrance mentale soient les plus sévères. Que dans certains pays à niveau de vie moyen, la Grèce par exemple, le niveau de santé soit meilleur que dans des pays beaucoup plus riches (les États-Unis par exemple). Que la morbimortalité des Européens de l’Est se soit beaucoup accrue parallèlement au développement de l’économie de marché. Qu’à l’inverse, la Suède et le Japon, pays les plus égalitaires, dans les années 1980, aient aussi été ceux qui se plaçaient en première et deuxième place mondiale pour l’espérance de vie d’après les données de la banque mondiale.
Les maladies naissent de l’interaction entre nous et notre environnement, explique l’épidémiologiste. Si les pays les plus riches ne sont pas forcément ceux où l’espérance de vie est la plus longue (exemple des États-Unis, entre autres), au niveau individuel et au sein d’un même pays, la richesse est fortement corrélée à l’espérance de vie. Non seulement les inégalités rendent malades les individus les plus défavorisés mais elles altèrent aussi profondément la santé sociale et forment le socle des sociétés hostiles, écrit R. Wilkinson.
Qualité de vie et relations sociales.
L’auteur analyse sous un angle psychosocial les conséquences des inégalités économiques au niveau individuel et collectif ; il montre que les processus déclenchant les maladies passent aussi par des comportements associés à la situation matérielle et à la position sociale de chacun. Et souligne le fait que le règne de la loi du plus fort n’est pas bon pour la santé d’une population. Entre autres raisons parce que les environnements les plus inégalitaires sont aussi ceux qui sont marqués par des relations plus conflictuelles. « La tonalité des relations sociales constitue l’un des déterminants fondamentaux d’une vraie qualité de vie », écrit l’auteur, et tout semble indiquer que les rapports sociaux semblent profondément modifiés par les écarts de revenus. Sa démonstration s’appuie sur des données épidémiologiques peu contestables mais aussi sur des observations animales (effet du stress et de la position hiérarchique sur la formation des plaques d’athérome chez le macaque par exemple).
On l’aura compris, même si l’ouvrage ne se veut ni brûlot, ni manuel de vie saine, ni diatribe contre les inégalités, le propos de Wilkinson est donc très politique. La croissance économique, si elle creuse l’écart entre pauvres et riches, n’est pas le garant d’une meilleure santé, dit-il, tout en soulignant qu’à l’inverse, la qualité des politiques publiques peuvent améliorer la vie sociale et le bien-être psychologique d’une population entière.
« L’augmentation régulière des coûts de santé conduit à poser le problème de leur régulation », souligne le Pr André Grimaldi dans la préface de l’ouvrage. Alors qu’une véritable politique de privatisation avance masquée en France, dit le diabétologue, la question d’inégalités de santé et de leur influence sur la mortalité, bien sûr mais aussi sur les relations sociales, la violence ou la participation à la vie collective se posent avec d’autant plus d’acuité que des preuves concrètes des effets néfastes de ces inégalités existent. Tout le travail de l’épidémiologiste britannique Richard Wilkinson repose sur ce décryptage et démontre magistralement le caractère extrêmement corrosif de ces inégalités.
Richard Wilkinson, « L’Égalité, c’est la santé », Démopolis, 252 pages,
21 euros.
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