« Créer un continuum de la recherche à l'action pour protéger les Français », telle est l'ambition que décrivait le Dr François Bourdillon pour la nouvelle agence nationale de santé publique dans nos colonnes. La preuve par l'exemple : le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (BEH) du 7 juin démontre, en partant de la recherche jusqu'à l'évaluation de dispositifs déjà en place, la pertinence de l'universalisme proportionné pour réduire les inégalités sociales de santé. Dit autrement : « l'offre de prévention doit toucher tout le monde mais doit être renforcée auprès des populations qui en ont le plus besoin » résument dans l'éditorial Jean-Claude Desenclos et Pierre Arwidson. Les auteurs en font la condition sine qua non pour diminuer l'écart important qui se maintient entre l'état de santé des cadres et des ouvriers, et surtout pour que les innovations en matière de santé publique ne soient pas contre-productives, et n'aggravent ces inégalités.
Dans cette perspective, la recherche permet notamment d'apprécier finement le gradient social ou les inégalités sociales de santé. Ainsi l'étude de l'équipe de Pierre Chauvin (INSERM, IPLESP, Sorbonne Universités) sur le recours au frottis du col de l'utérus (FCU) dans le Grand Paris révèle la limite de ne s'intéresser qu'aux seuls quartiers de résidence pour comprendre un moindre recours aux soins. Habiter dans un quartier défavorisé en termes de présence médicale (généralistes et gynécologues) n'est pas associé à un risque significativement plus élevé de retard de dépistage. Sauf chez les femmes qui n'en sortent pas. Les femmes actives et mobiles (et de fait ayant un accès accru aux ressources de santé, et plus favorisées socialement) témoignent en revanche d'un recours au FCU plus adéquat. Les auteurs appellent à ne pas se limiter à l'étude des quartiers de résidence dans l'analyse des facteurs contextuels liés aux recours aux soins, surtout en milieu urbain, tout en ayant conscience de l'effet cumulatif de ne fréquenter que des espaces défavorisés.
Des groupes à identifier grâce à la surveillance
La surveillance permet ensuite de mieux cibler les groupes sur lesquels concentrer des actions de santé publique. L'étude de Medicoulé Traoré (Sorbonne, UPMC, INSERM, IPLESP) révèle que plus de 30 000 enfants qui auraient dû bénéficier du dépistage du saturnisme en Ile-de-France en 2011-2012 n'ont pas eu de mesure de leur plombémie, et dessinent les territoires prioritaires pour cibler des actions locales.
Romain Guignard (Santé publique France) et coll. invitent à construire une offre préventive ciblée au sein de la population de demandeurs d'emploi, plus sujets aux consommations problématiques de substances psychoactives. Le tabac est ainsi plus prégnant chez les chômeurs qui n'ont pas le bac, et chez les hommes ouvriers ; l'alcool touche davantage les jeunes et les hommes de 45-54 ans, avec un faible niveau de diplôme, mais aussi les femmes cadres ou relevant des professions intellectuelles supérieures. Enfin, le cannabis concerne principalement les jeunes peu diplômés et les hommes ouvriers.
Autre usage de la surveillance : adapter les politiques de prévention existantes. L'équipe de Jean-Paul Guthmann (SPF) montre à partir des données de l'Enquête santé et protection sociale (ESPS) de 2012 que les femmes non dépistées quant au cancer du col utérin, et non vaccinées contre les papillomavirus humains (HPV) appartiennent aux catégories sociales les plus modestes, sans couverture complémentaire maladie privée, avec un faible niveau de diplôme ; et que leurs mères sont peu dépistées. Les auteurs recommandent de revoir les modalités actuelles de la vaccination HPV (remboursée à 100 % pour les 90 % de la population couverts par une complémentaire), sous peine d'accroître les inégalités de prévention.
Des dispositifs qui marchent
Enfin une dernière étude, évaluant le dispositif d'aide à l'arrêt du tabac par internet (Stop Advisor) mis en œuvre au Royaume-Uni, illustre concrètement l'efficacité de l'universalisme proportionné. Stop Advisor, fondé sur la théorie de la motivation et testé auprès de fumeurs britanniques, s'est montré plus efficace qu'un simple site d'information statique auprès des fumeurs socialement défavorisés, alors qu'il ne l'était pas chez les fumeurs favorisés. « Des interventions innovantes, rigoureusement évaluées, s'appuyant sur le concept d'universalisme proportionné, sont réalisables » commente l'éditorial. La France devrait s'inspirer de l'exemple outre-Manche : « Je souhaiterais développer un programme sur le modèle britannique incitant les fumeurs à arrêter de fumer pendant un mois via les réseaux sociaux, les pairs (adolescents, salariés) » confiait au « Quotidien » le Dr Bourdillon lors de la préfiguration de SPF en 2015.
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