Selon un article récent publié dans le « Lancet »*, au moins 37 millions de décès prématurés pourraient être évités d’ici 2025, à l’échelle de la planète, si la population adoptait un mode de vie plus sain : réduction du tabagisme, de l’alcoolisme, de la quantité de sel dans les produits consommés, alimentation plus équilibrée, pratique d’une activité physique régulière. Un objectif louable mais difficile à atteindre.
« La population est saturée d’injonctions. Elle vit dans une pression permanente : il faut être en bonne santé, être dans la "norme", "réussir"... », souligne le Dr Jean-Michel Lecerf, chef du service nutrition Fondation-Institut Pasteur de Lille.
Obtenir un changement de comportement n’est pas chose aisée. Pourquoi changer d’alimentation, de mode de vie lorsque l’on n’est pas malade ? Comment changer ? Les avantages ressentis seront-ils supérieurs aux inconvénients perçus ? « Autant de questions qui révèlent les difficultés de la prévention primaire. Car il s’agit, pour le médecin, de parler d’un risque (maladie, handicap, diminution de l’espérance de vie...) sans savoir s’il se concrétisera ou non », rappelle le Dr Lecerf.
Si le rôle de soutien du pharmacien et du médecin - généraliste en tête - est essentiel pour faire évoluer les comportements, sa mise en pratique n’est pas évidente. « Une étude écossaise publiée dans le "JAMA" en 2012 montre que les patients ont, en moyenne, trois à quatre motifs par consultation, chez leur généraliste et plus de 20 % des plus de 80 ans souffrent de plus de sept pathologies. Or, en France, la consultation du généraliste dure en moyenne 18 minutes. Dans ce contexte, difficile de faire de la prévention auprès de patients présentant des polypathologies », confie le Dr Josselin Lebel, médecin généraliste chef de clinique de médecine générale, à Paris.
Lever les freins organisationnels et psychologiques
Des données publiées cette année dans « Preventive Medicine » mettent en exergue le fait que les soignants ne sont responsables que de 10 % des modifications de santé de leurs patients (contre 50 % pour les facteurs comportementaux et sociaux). « Notre impact sur le changement de comportements reste modeste. Un des leviers du changement réside dans la réorganisation des soins primaires. Dans les pôles de santé pluriprofessionnels, la création du métier d’infirmière de santé publique, accordant des consultations de 45 minutes à une heure aux patients, tout en travaillant en coordination avec les médecins est, par exemple, une solution pour favoriser la prévention », indique le Dr Lebel.
Diminuer les inégalités d’accès à la santé, aider les populations les plus fragiles sur le plan économique, mais aussi psychologique est, également, essentiel. « Mieux s’alimenter et maigrir ne sont pas qu’une affaire de diététique. Les émotions négatives agissent sur le choix des aliments, le stockage des graisses, mais aussi, sur tous nos comportements. En tant que thérapeute, il faut donc, d’abord, lever les freins éducatifs et psychologiques au changement », assure Stéphane Clerget, psychiatre et pédopsychiatre (Hôpital de Cergy-Pontoise). Outre les médecins, les politiques ont également un rôle protecteur vis-à-vis de la population. « Les parlementaires, par exemple, doivent veiller à ce que toute loi de santé publique s’accompagne d’effet pédagogique. Mais aussi, trouver des relais d’opinion (sportifs, acteurs...) montrant aux jeunes - adultes de demain - l’exemple en matière de valorisation de la santé », conclut Jean-Louis Touraine, député PS du Rhône.
*K. Vasilis et al., The Lancet 384, 427 (2014)
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