Le congrès mondial des médecins catholiques

Les praticiens français s’abstiennent sur fond de crise

Publié le 26/04/2010
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Crédit photo : AFP

« NOTRE FOI de médecin. » Pour ce congrès qui va se dérouler en trois langues (français, anglais et italien) dans l’enceinte des sanctuaires de Lourdes, la FIAMC a choisi de se recentrer sur l’essentiel chrétien, note le Dr François Blin, président de la Fédération européenne des médecins catholiques et ancien secrétaire général de la FIAMC. Du 6 au 9 mai, quatre sessions sont proposées : « Dieu créateur », « Jésus-Christ souffrant et guérissant », « l’Esprit de vie » et « l’Église corps du Christ ». À la différence des précédents rendez-vous, organisés tous les quatre ans autour de thématiques prêtant à discussion, voire à polémique (« Médecine et droits de l’homme » à Rome en 2000, « Nature biologique et dignité de la personne humaine » à Bonn en 1990 et même, à Vienne, en 1935, « Eugénisme et stérilisation »), les organisateurs ont choisi d’ « approfondir des points fondamentaux de la foi pour notre identité de médecins catholiques, afin d’éclairer nos décisions et de mieux appréhender notre pratique ». « De toute manière, note un participant, les gens étaient fatigués d’être invités à débattre autour des sempiternelles questions d’éthique médicale et de bioéthique. »

Déconvenue.

Le retour aux fondamentaux, christologiques, pneumologiques et ecclésiologiques, ne devrait cependant pas déplacer les foules. Aux derniers pointages, 500 médecins se sont inscrits*, parmi lesquels 200 Italiens et seulement une centaine de Français. Pour l’un des maîtres d’œuvre, le Dr Patrick Theillier, ex-médecin des sanctuaires de Lourdes et responsable du groupe charismatique Amour et Vérité (membre de l’Emmanuel), « c’est une nette déconvenue, alors que les deux derniers congrès de médecins catholiques francophones avaient accueilli 300 praticiens français en 2005 et 350 en 2007. Sans doute est-ce un effet des crises, estime-t-il, à la fois la crise économique et la crise de l’exercice médical. Fermer trois jours son cabinet et, pour les jeunes, faire un chèque de 350 euros, peut représenter aujourd’hui un problème. »

« Nous subissons aussi l’érosion de la pratique religieuse, aggravée par la diminution des effectifs au sein de nos associations, remarque le Dr Blin. Nous avions espéré que, dans notre société multiculturelle, où le message chrétien a cessé d’être reçu majoritairement, proposer des débats et réflexions sur les valeurs religieuses aurait quand même suscité davantage d’engouement. » Mais, « c’est vrai, confirme le Dr Bernard Guillotin, secrétaire général du CCMF, le Centre catholique des médecins français, notre mouvement est encore souvent perçu comme une association poussiéreuse d’anciens patrons. Nous souffrons d’une désaffection générale, alors que les médecins pratiquants sont déjà très sollicités par les paroisses et les mouvements d’action catholique. »

Humanisme médical.

Le petit nombre va donc plancher sur ce que le Pr François-Bernard Michel, président du Comité médical international de Lourdes (CMIL) appelle « le charisme du médecin chrétien ». « Ce qui est en jeu, explique le pneumologue, par ailleurs membre de l’Institut, c’est de restituer un certain humanisme médical ; au-delà du seul donné biologique et du recours aux technologies de pointe, le médecin catholique, si son patient le désire, est là pour fournir un témoignage singulier, ouvert à la transcendance, dans lequel les interrogations dominent sur les réponses toutes prêtes. » Mais le président du CMIL ne se fait pas d’illusion : « Il y a aujourd’hui beaucoup d’hypocrisie dans certaines réponses doctrinaires, par exemple sur la procréatique. Refuser certains diagnostics prénataux à des parents qui redoutent la naissance d’enfants avec de graves anomalies revient à croire que le Christ, s’il revenait au XXIe siècle, lancerait aux foules : "Allez-y, donnez le jour à des bébés atteints de sérieuses déficiences" !» Le Pr Michel exprime à cet égard « un sentiment de malaise devant des congressistes qui ne viendraient que pour proclamer leur attachement à la politique officielle du Vatican. »

Dans les couloirs.

Les répercussions des scandales pédophiles qui ont éclaté ces dernières semaines dans les églises irlandaise, allemande, américaine, norvégienne ou française ne sont pas inscrites à l’ordre du jour. « Il a été déterminé bien avant ces révélations tapageuses, indique le Dr Theillier, et tout porte à penser que ces sujets seront évoqués dans les couloirs, entre les sessions. » Des participants devraient ainsi s’exprimer mezzo vocce, tel Mgr Tony Anatrella, psychanalyste, consulteur au conseil pontifical pour la famille et au conseil pontifical pour la santé.

Malgré le caractère à la fois médical et officiel de la manifestation, il ne faut donc pas s’attendre à des propos fracassants comme ceux tenus, le 13 avril, par le cardinal Tarcisio Bertone. Le secrétaire d’État, numéro deux du Vatican, s’était essayé à une analyse psychiatrique sur la pédophilie, affirmant que « nombre de psychologues et de psychiatres ont démontré qu’il n’y a pas de relation entre célibat et pédophilie, mais beaucoup d’autres ont démontré et m’ont dit récemment qu’il y a une relation entre homosexualité et pédophilie. C’est la vérité, c’est le problème, cette pathologie touche toutes les catégories de personnes et les prêtres à un moindre degré, si l’on regarde les pourcentages. »

Après le tollé international suscité par cet amalgame, le Saint Siège avait nuancé, par la voix de Federico Lombardi, son porte-parole : « Les autorités ecclésiastiques ne jugent pas de leur compétence de faire des affirmations générales de caractère psychologique ou médical, lesquelles relèvent naturellement des études des spécialistes et des recherches en cours sur le sujet. » « Le cardinal Bartone a jeté un nouveau pavé dans la mare, commente le Dr Guillotin, après les déclarations de Benoît XVI sur le préservatif et l’excommunication par l’archevêque de Recife des médecins qui avaient réalisé un avortement sur une fillette de 9 ans violée par son beau-père . La communication de l’Église va de Charybde en Scylla. Les patients qui évoquent le sujet avec moi ne comprennent plus grand chose, entre le courage dont a fait preuve le pape pour ouvrir la boite de Pandore sur la question et la chape de plomb qui a imposé l’omerta. »

Tout en reconnaissant qu’une approche médicale pourrait être pertinente, l’un des organisateurs souligne qu’ « en présence de Mgr Zygmunt Zimowski, président du conseil pontifical pour la pastorale de la santé, ce congrès n’a pas vocation à être un concile qui statuerait sur le sujet ».

Inscriptions en ligne sur le site : www.fiamclourdes2010.fr.

CHRISTIAN DELAHAYE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8758