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LA DENGUE est une menace potentielle pour 3,6 milliards d’individus dans le monde, essentiellement dans les régions tropicales et subtropicales - 75 % d’entre eux vivent en Asie du Sud-Est. Endémique dans 124 pays, la maladie infecte chaque année dans le monde entre 70 et ... 500 millions de personnes selon les dernières estimations communiquées par des experts réunis du 13 au 16 juin dernier à Bangkok (Thaïlande), à l’occasion du quinzième congrès international sur les maladies infectieuses. La fourchette est large du fait de la sous-déclaration des cas. « La dengue reste aussi mal diagnostiquée », fait remarquer le Pr Yee-Sin Leo, responsable du service maladie infectieuses à l’hôpital Tan Tock Seng (Singapour). Près de 230 millions de cas pourraient être asymptomatiques, souligne Pratap Singhavison, doyen de la faculté de médecine tropicale de l’université de Mahidol (Thaïlande). Transmise par le moustique, cette infection virale provoque des symptômes d’allure grippale sévère (34 millions de cas estimés) pouvant évoluer en fièvre hémorragique (2,1 millions de cas) potentiellement mortelle. Chaque année, au moins 21 000 personnes décèdent de la dengue. Lors de la 65e Assemblée mondiale de la santé, l’OMS a fixé en mai dernier des objectifs ambitieux en matière de contrôle de cette maladie tropicale négligée : réduire de 25 % le nombre de cas et diminuer de moitié les décès d’ici à 2020. Pour l’Organisation mondiale de la santé, cela suppose en premier lieu de renforcer le contrôle des vecteurs de la maladie : l’Aedes Albopictus et surtout l’Aedes aegypti. Ces espèces de moustique piquent le jour, du lever au coucher du soleil. Face à ces insectes, la seule mesure efficace consiste à limiter leur prolifération en supprimant les lieux de pontes (eaux stagnantes).
La chasse au moustique.
À Bangkok, des campagnes de prévention sont régulièrement organisées par les autorités locales. Des équipes mobiles vont à la rencontre des habitants des quartiers à risque, distribuant plaquettes d’information et autres pastilles à verser dans les réceptacles d’eau pour y empêcher le développement de larves de moustiques. Des opérations de démoustification coordonnées par le chef de province et la municipalité sont par ailleurs menées ponctuellement durant la saison de prolifération de ces moustiques, de mai à septembre, période des pluies intenses dans la région. La deuxième journée asiatique contre la dengue, le 15 juin dernier, a été l’occasion de rappeler les bonnes pratiques dans un quartier situé au bord d’un canal de la ville. Dans une chaleur accablante, des agents vêtus d’une combinaison, d’un masque et d’une paire de bottes, transpirant à grosses gouttes, sont venus enfumer les moustiques et leurs larves avec un mélange d’essence et d’insecticide tandis qu’ un véhicule 4x4 du ministère de la Santé équipé d’un gros ventilateur diffusait des solutions antimoustiques dans l’air le long des rues. De telles opérations d’enfumage sont réalisées chaque année dans les écoles, les quartiers pauvres. À chaque fois qu’un cas de dengue est confirmé à l’hôpital, des équipes interviennent également chez le patient infecté et à 100 mètres autour de son domicile, explique Piti Mingmakaran, entomologiste et responsable au ministère de la Santé de la lutte antimoustique. L’an passé plus de 41 000 cas de dengue et 48 décès ont été répertoriés par le service de contrôle des maladies thaïlandais contre plus de 60 000 cas et 29 décès en 2010. Depuis le début de l’année, plus de 11 000 cas dont au moins 9 décès ont déjà été recensés. « Le pic de l’épidémie se situe durant la période de juin à juillet. Cette année, nous avons constaté les premiers cas très tôt, dès les mois de janvier et février », remarque le Pr Watcharee Chokejindachai qui travaille au service pédiatrique de l’hôpital des maladies tropicales de Bangkok. « De nombreux cas de dengue ne requièrent pas d’admission hospitalière. Nous leur prescrivons alors du repos et du paracétamol. Nous gardons seulement les patients souffrant de forte fièvre ou qui ne s’alimentent plus », raconte le Pr Chokejindachai qui attend maintenant la mise à disposition d’un vaccin antidengue. Depuis maintenant 70 ans, les chercheurs s’attellent à mettre au point ce vaccin complexe car devant apporter une réponse immune équilibrée pour les quatre sérotypes du virus de la dengue. Plusieurs instituts de recherche, laboratoires pharmaceutiques et sociétés de biotechnologies sont sur les rangs pour développer un vaccin efficace et bien toléré. Parmi eux, le français Sanofi-Pasteur apparaît aujourd’hui comme le plus avancé, avec son vaccin tétravalent vivant atténué de deuxième génération, issu d’une chimère fièvre jaune.
Accès sous condition.
Ce vaccin administrable en trois doses (à 0,6 et 12 mois) est destiné aux pays des régions endémiques (Asie/Pacifique, Amérique latine, caraïbes), principalement aux enfants à partir de 9 à 24 mois. Il s’agit du premier vaccin à atteindre le stade des essais cliniques de phase III, incluant près de 28 000 participants qui ont reçu au moins une dose (adultes et enfants de pays endémiques et non endémiques). Après avoir investi plus d’un milliard d’euros dans le développement de ce vaccin antidengue, Sanofi-Pasteur a déjà construit à Neuville-sur-Saône une usine configurée pour produire dans un premier temps 100 millions de doses annuelles. Le laboratoire attend désormais au cours du troisième trimestre les résultats de sa première étude d’efficacité menée en Thaïlande qui a inclus 4 002 enfants de 4 à 11 ans résidant dans la région de Ratchaburi (Ouest de Bangkok). En 2011, le groupe français a initié deux autres études d’efficacité de plus grande envergure. L’une en Asie (Thaïlande, Indonésie, Malaisie, Vietnam, Philippines) avec 10 278 enfants de 4 à 14 ans, l’autre en Amérique latine (Colombie, Mexique, Honduras, Porto Rico, Brésil) incluant 20 875 enfants et adolescents de 9 à 16 ans. Si les résultats de la première étude d’efficacité thaïlandaise s’avèrent concluants, Sanofi-Pasteur envisage un lancement de la phase de production industrielle en 2014 pour une disponibilité de ce vaccin dans des pays endémiques dès 2015. À ce jour, le groupe français se refuse à communiquer toute fourchette de prix pour son produit. « Les conditions d’accès de ce vaccin dépendront de la mise en place d’un plan d’accès à la vaccination » par les autorités sanitaires des pays concernés, confie toutefois le Dr Jean Lang, responsable du programme de recherche et développement du vaccin dengue à Sanofi-Pasteur. En France, le laboratoire négociera de la même manière avec les autorités sanitaires sur la mise à disposition de son vaccin dans les zones endémiques des DOM-TOM.
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