Contrairement à l'idée qui a longtemps prévalu, l'hépatite E est bien plus une maladie autochtone qu'une infection d'importation. C'est ce que met en évidence une étude de surveillance de Santé publique France (SPF) menée sur la période 2002-2016 dans le numéro du « Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire » (BEH).
En 2016, 2 292 cas autochtones ont ainsi été diagnostiqués, contre seulement 9 cas importés, selon le Centre national de référence (CNR) des virus des hépatites à transmission entérique.
La meilleure connaissance de l'infection par le virus de l'hépatite E (VHE) ces vingt dernières années s'est traduite par une augmentation « exponentielle » du nombre de personnes testées, explique SPF, notamment depuis 2010 avec l'arrivée de tests sérologiques plus performants.
Alors que le nombre de tests est passé de 209 à 76 000 en 15 ans, soit un facteur > 300, le nombre de cas diagnostiqués a augmenté, principalement pour les cas autochtones (9 versus 2 292). Une disparité géographique se dégage, avec davantage de cas dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Bretagne, ce qui concorde avec les principales sources de contamination identifiées.
Cuisson à cœur pour le porc et les gibiers
Dans l'étude, il apparaît clairement que la source majoritaire de contamination est la consommation de porc, mais aussi d'autres suidés tels que le cerf ou le sanglier. Il s'agit notamment de produits à base de foie cru, comme les saucisses de foie fraîches ou sèches et en particulier les figatelli. « La cuisson à cœur est le message de prévention à faire passer auprès des consommateurs », explique le Dr Julie Figoni, infectiologue et épidémiologiste à Santé publique France. Une cuisson à cœur à 71° pendant 20 minutes permet d'inactiver le virus, est-il précisé.
Même si un étiquetage obligatoire des produits à base de foie cru de porc a été mis en place en 2009, recommandant la cuisson à cœur, « la consommation de ces produits, même cuits, est à déconseiller chez les personnes à risque de développer une forme grave d'hépatite E », est-il écrit, c'est-à-dire les patients ayant une maladie hépatique préexistante et les patients immunodéprimés, qui sont à risque de développer des formes chroniques.
De forts soupçons pour les coquillages
Le message est important à faire passer en consultation en particulier auprès des populations vulnérables. D'autres sources de contamination sont suspectées et appellent à la vigilance. « Il y a de forts soupçons sur les coquillages, précise l'épidémiologiste. Mais même s'il y a eu des cas groupés, on n'a jamais réussi à le mettre en évidence ». De même, il semble exister des cas liés à la consommation de légumes et de fruits contaminés par une eau souillée, ou encore par « contact direct avec des animaux réservoirs vivants ou leurs carcasses (chasseurs, personnes travaillant dans les abattoirs, éleveurs, vétérinaires…) », est-il précisé.
En discussion, le don de sang pour 2019
La meilleure connaissance de la virose ne semble pas pourtant expliquer à elle seule la forte hausse de la prévalence de l'hépatite E. « C'est un phénomène conjoint, souligne Julie Figoni. La connaissance a augmenté la demande mais il y a très certainement eu aussi une hausse de la prévalence à un moment donné. Le nombre de personnes hospitalisées pour hépatite E a lui aussi augmenté, alors que les nouveaux tests ont été disponibles assez tôt en milieu hospitalier. Aujourd'hui, la prévalence est stable voire diminue légèrement ».
Ces nouveaux résultats de prévalence n'incitent pas à prescrire plus largement la recherche du VHE pour autant. « Il faut savoir y penser devant des signes d'hépatite aiguë, notamment devant un ictère, explique Julie Figoni. Surtout si la sérologie pour l'hépatite A est négative. Et c'est ce que font les cliniciens aujourd'hui. Beaucoup d'hépatites E sont asymptomatiques et il n'y a pas de traitement spécifique. » Des discussions sont en cours pour rendre obligatoire, d'ici 2019, la sérologie VHE dans le don de sang, en particulier à destination des patients immunodéprimés.
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