Le 26 avril 1986 s'est produite à Tchernobyl, ex-URSS, la plus grave catastrophe nucléaire jamais connue. C'est le détonateur qui a précipité en France quelques années plus tard en 1991 la création d'un service de recherche du Commissariat à l'Énergie Atomique (CEA) à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP), le Service de recherches en Hémato-Immunologie (SRHI) dirigé par le Dr Edgardo D. Carosella.
« Il y avait un gros manque de connaissances à l'époque sur comment soigner des patients irradiés, se souvient le Dr Carosella. À l’époque, certains voulaient continuer à proposer la greffe de moelle pour tous, comme cela était fait depuis le succès obtenu en 1958 à Saint-Louis, pour la première fois en Europe, chez 5 sur 6 physiciens yougoslaves irradiés accidentellement. D'autres étaient partisans d'essayer les facteurs de croissance pour relancer la moelle, sans avoir de preuves suffisantes d'efficacité. »
L'immunité dans la relation hôte-tumeur
Depuis, les choses ont progressé, en particulier avec la compréhension du rôle de l'immunité. C'est dans le SRIH que le Pr Éliane Gluckman a réalisé la première greffe de moelle à partir des cellules souches hématopoïétiques de sang cordon. « Aujourd'hui, un sujet irradié subit toute une batterie d'examens et de tests génomiques pour déterminer le traitement à donner », poursuit le Dr Carosella, découvreur de la molécule HLA-G qui joue un rôle essentiel dans la tolérance foeto-maternelle mais aussi dans le rejet des greffes et la progression tumorale.
« On a beaucoup appris des patients traités par radiothérapie, poursuit-il. L'immunité joue un rôle dans trois types d'effet de la radiothérapie : les tumeurs radio-induites, la radiosensibilité tumorale et l'effet à distance, dit effet abscopal découvert il y a 1 à 2 ans, qui fait que la radiothérapie du primitif peut agir sur des métastases. »
Le marqueur HLA-G dans la tumeur de vessie
Le rôle de l'immunité dans la relation hôte-tumeur est naturellement devenu un thème primordial de recherche au sein du SRHI. Il y a 2 ans a été créée l'unité translationnelle d'Immuno-Onco-Urologie dirigée par le Pr François Desgrandchamps, urologue à l'hôpital Saint-Louis. « La molécule HLA-G est une molécule de tolérance qui interagit avec toutes les cellules de l'organisme, explique l'urologue. Si les cellules tumorales expriment cette molécule, cela leur confère une protection et leur permet d'échapper au système immunitaire. » L'équipe constituée de chirurgiens, d'oncologues, d'anatomo-pathologistes, de radiothérapeuthes et de radiologues a pris le parti d'étudier la prédisposition du système immunitaire qui permet au cancer de se développer et de récidiver.
Les tumeurs de vessie non infiltrantes, qui sont traitées via la réaction immunitaire liée aux instillations de BCG mais qui récidivent dans 30 à 60 % des cas, sont un bon modèle pour étudier HLA-G. À ce jour, aucun critère fiable ne permet de prédire la rechute. L'équipe du Pr Desgrandchamps et du Dr Carosella a montré que HLA-G était un bon marqueur prédictif du risque de récidive. « Si la tumeur exprime HLA-G, on retrouve dans le sang périphérique des cellules T CD8, qui exprime le récepteur ILT-2 d'HLA-G, explique le Pr Desgrandchamps. HLA-G est un checkpoint immunitaire : son action, en se liant à ILT2 son récepteur, signale au système immunitaire que la tumeur n'est pas à éliminer. Il bloque la réponse immunitaire normale. »
Des perspectives larges en thérapeutique
Ces résultats ont des implications très importantes, notamment pour la surveillance à mettre en place. « On a établi que si les lymphocytes T expriment le récepteur ILT-2 d'HLA-G à un taux > 40 %, alors le risque de récidive est élevé, détaille l'urologue. À l'état normal, seulement 5-10 % expriment ce récepteur ». Cette découverte importante a fait l'objet d'une publication et d'un dépôt de brevet par l'AP-HP. L'utilisation en marqueur pronostic est en cours d'étude par un laboratoire médical.
Les résultats obtenus avec le modèle de la tumeur non infiltrante de vessie pourraient être transposés à d'autres cancers. « Les cancers les plus fréquents, sein, poumon, rein, mélanome, expriment HLA-G, souligne le Dr Carosella. Plus de 7 000 patients ayant un cancer ont été testés pour l'expression de ce marqueur. Les différentes équipes trouvent les mêmes résultats : plus HLA-G est exprimée, plus le risque de progression de la tumeur est élevé et le pronostic mauvais. »
Mais ce n'est pas tout. « La molécule HLA-G est très puissante, souligne le Pr Desgrandchamps. Si l'on était capable de bloquer son expression au niveau de la tumeur, celle-ci ne serait plus protégée et redeviendrait accessible au système immunitaire. » Une start-up britannique a été créée pour la production et l'utilisation d'anticorps monoclonaux anti HLA-G à usage thérapeutique en oncologie. « Les effets potentiels pourraient être plus importants que les anti-PD1 de mécanisme similaire », estime l'urologue. Des essais de phase 1 sont prévus pour l'année 2017.
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie