« Malgré une dangerosité désormais reconnue, une grave méconnaissance des risques liés au tabagisme persiste néanmoins au sein de la population, et les résultats des politiques de lutte contre le tabagisme ne sont pas à la hauteur d’un tel enjeu de santé publique ». Le rapport de la Cour des comptes réalisé à la demande du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée nationale est formel : la politique de lutte contre le tabagisme est très insuffisante en France et « notre pays se trouve dans une position médiocre sur le plan international ».
70 000 morts
La Cour rappelle que la France a été le premier en Europe à ratifier la convention-cadre de lutte contre le tabac de l’Organisation mondiale de la santé en octobre 2004. Malgré ces obligations internationales, le tabac « demeure la première des causes de mortalité évitable avec plus de 70 000 morts par an, soit près de 18 fois plus que les accidents de la route », note le rapport.
La proportion de fumeurs qui était en baisse entre 2000 et 2005, de 34,7 % à 31,4 %, est désormais en hausse (33,7 % en 2010). « Actuellement, un Français sur 3 fume, contre un Anglais sur cinq », précise la Cour. Et les résultats sont « particulièrement préoccupants » chez les femmes, les jeunes et les personnes en situation de précarité. Par ailleurs, « la diminution des ventes de tabac s’est interrompue en 2005 ». « Par rapport aux objectifs de diminution de la prévalence fixés par la loi de santé publique d’août 2004, l’écart est de plus de 7 points pour les hommes et de 6 points pour les femmes », assène la Cour.
12 millions d’euros
« Pour autant les coûts sanitaires directs du tabagisme pour l’assurance maladie sont très insuffisamment connus », regrette la Cour. À sa demande, une étude réalisée par la CNAM a évalué la charge pour la seule branche maladie à 12 millions d’euros par an mais les effets indirects et différés ne sont pas pris en compte. L’incidence pour la collectivité - pertes liées aux décès prématurés des fumeurs notamment - est estimé à 45 millions d’euros.
Le rapport pointe les « faiblesses et les discontinuités » de la lutte contre le tabagisme en France qui, depuis la loi Veil de 1974 « n’a jamais fait l’objet d’un plan de santé publique spécifique ». Les crédits alloués « sont restés modestes - de l’ordre de 100 millions d’euros par an - », à comparer, insiste la Cour, « aux aides publiques consacrées aux tabaculteurs et aux débitants ».
L’aide aux buralistes de 300 millions d’euros par an (2,6 milliards entre 2004 et 2011), censée compenser des diminutions de consommation, est trois fois supérieure aux sommes consacrées à la prévention. Les hausses des taxes sur le tabac, importantes entre 2003 et 2004, sont depuis restées « en deçà du rythme propre à modérer durablement le volume de consommation ».
Des contrôles « une fois par siècle »
De surcroît, l’application des mesures à visée sanitaire, est souvent « défaillante ». Il en est ainsi de l’interdiction de la vente aux mineurs, de l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Quant aux contrôles, ils sont « particulièrement déficients ». Un « buraliste ne risque d’être contrôlé sur place qu’une fois par siècle », s’insurge la Cour qui pointe aussi la modestie des moyens consacrés à la communication contre le tabagisme (10 fois moins importants que ceux de la sécurité routière), le manque d’attention portée à la prévention de l’entrée dans le tabagisme chez les jeunes, le discours sur le risque par trop moralisateur.
Le rapport formule 32 recommandations pour une politique « renouvelée et coordonnée », « conduite dans la durée ». La Cour préconise d’inscrire la politique de lutte contre le tabagisme dans une nouvelle loi de santé publique qui sera déclinée sous la forme d’un plan de santé publique dédié et milite, entre autres mesures, pour « une politique volontariste de relèvement soutenu des prix du tabac » et pour le renforcement de la prévention et des mesures d’aide au sevrage.
Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, a expliqué lors de la présentation du rapport, qu’avec une « politique, alliant pédagogie, aide concrète et personnalisée, contrôle très strict et systématique de l’application de la réglementation », le « Royaume-Uni est parvenu à réduire de près de 10 points le niveau de consommation du tabac en 10 ans, qui est passé de 30 % à 20 % de fumeurs dans l’ensemble de la population ».
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