Le Quotidien : Quelle place occupe la santé dans le Bonheur national brut ?
Lyonpo Tandin Wangchuk : La santé joue un rôle très important dans le Bonheur national. Tout simplement parce que les gens sont plus heureux lorsqu’ils ne sont pas malades. La santé est l’un des neuf domaines qui composent notre indice du bonheur national. La Constitution prévoit la gratuité de l’accès aux soins. Nos politiques se concentrent autour de cet aspect. Dans nos plans de développement quinquennaux, nous avons de nombreux indicateurs : couverture vaccinale, mortalité maternelle, mortalité infantile… avec des objectifs à atteindre.
Nous travaillons à la fois sur la prévention et le curatif. L’arrivée des maladies non contagieuses, liées au changement de mode de vie, rend la prévention d’autant plus importante.
Quels ont été les grandes réussites dans le secteur de la santé durant ces dernières décennies ?
Le développement est relativement récent au Bhoutan, cela a commencé assez tard, dans les années 1960. Mais nous sommes fiers de certaines réussites. Nous avons opéré des investissements constants dans le secteur de la santé, notamment en santé publique, qui porteront leurs fruits dans le futur.
Le gouvernement royal du Bhoutan a opté pour des politiques de long terme, comme avoir une large couverture vaccinale. Nous avons développé un système de soins dans les zones rurales. Nous avons également travaillé sur l’assainissement et l’hygiène publique, en développant l’approvisionnement en eau potable dans les zones rurales. Comparé aux pays voisins, nous avons plutôt bien réussi.
Quels sont les principaux défis des années à venir ?
Notre plus grand défi est de maintenir la gratuité du notre système de santé. Les maladies dites traditionnelles, notamment infectieuses, sont encore là, mais de nouvelles maladies liées au mode de vie moderne engendré par le développement économique arrivent. L’hypertension, le diabète, les cancers augmentent. Donc notre plus grand défi est de maintenir nos acquis tout en s’attaquant à ces nouvelles maladies.
Pensez-vous qu’avec l’augmentation de ces nouvelles maladies, la gratuité du système de santé est viable ?
Pour l’instant, nous la maintenons. Et nous cherchons de nouvelles manières de maintenir cette gratuité. Une de ces initiatives est le Bhutan Health Trust Fund, un fonds qui a été créé par le 4e roi du Bhoutan en 1998. Cet organisme, indépendant du gouvernement, collecte ses propres fonds, qui peuvent venir de l’étranger et finance depuis cette année tous les médicaments de base et les vaccins. Cela permet au ministère de la Santé de consacrer ses dépenses au développement du système de santé, en améliorant les équipements et formant les soignants. Nous devons aussi informer les gens sur les nouvelles maladies, leur faire comprendre que nous sommes face à de nouveaux dangers. Mais, de leur côté, les Bhoutanais doivent aussi faire des efforts, en surveillant leur alimentation, en faisant de l’exercice... Nous ne pouvons pas seulement fournir les services, sans avoir en retour une mobilisation de la population.
À quelles difficultés faites-vous face ?
Elles concernent principalement les ressources humaines. Former et recruter des soignants est un véritable problème. Nous avons un système de santé à trois étages. Dans les zones rurales, on trouve des dispensaires où des agents de santé procurent des soins de base. Au deuxième niveau, des médecins généralistes travaillent dans les hôpitaux des districts. Et enfin, au troisième niveau, on trouve les hôpitaux régionaux, ainsi que l’hôpital national de Thimphu [la capitale du Bhoutan] avec des spécialistes. À chacun de ces niveaux, nous faisons face à des manques aigus.
En raison de la géographie du pays, tout le monde veut être à Thimphu. Quelqu’un en poste à Gasa [district du nord-ouest du pays], en zone rurale, ne voudra pas y rester. Mais même s’il n’y avait qu’un patient par jour, une présence médicale est nécessaire, car c’est une zone très isolée.
Nous manquons également de spécialistes. Nous procurons des soins toujours plus spécialisés. Mais chaque année, ces besoins augmentent. C’est une course permanente.
Justement comment les soignants sont-ils formés au Bhoutan ?
En 2013, nous avons inauguré l’université de sciences médicales du Bhoutan. Nous avons aussi une école d’infirmerie et de santé publique. Mais pour être honnête, nous n’avons pas de MBBS College [établissement universitaire délivrant des Bachelors of Medicine and Surgery, diplômes validant 5 ou 6 années d’étude de médecine ou de chirurgie]. Mais nous proposons des spécialisations. Nos docteurs peuvent se spécialiser au Bhoutan. Car si nous les envoyons à l’étranger, il nous est premièrement difficile d’obtenir des admissions en spécialisation. Deuxièmement, nous avons déjà un manque de docteurs, donc en les formant sur place, ils peuvent continuer à exercer tout en se spécialisant.
Mais nous ne faisons que commencer.
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