« Les maladies cardiovasculaires chez les femmes demeurent sous-étudiées, sous-reconnues, sous-diagnostiquées et sous-traitées », constatent les experts de la Commission Femmes et maladie cardiovasculaire du « Lancet ». Dans un rapport publié le 16 mai, ils émettent dix recommandations avec l’ambition de réduire le fardeau des maladies cardiovasculaires chez les femmes d’ici à 2030.
« C’est un objectif ambitieux, mais impératif, d’autant plus que, malgré l’hétérogénéité de la maladie et des facteurs de risque selon les pays et les contextes, il est possible de modifier et d’atténuer une grande partie du risque », avancent les auteurs. Ils soulignent que « cette commission est la première initiative de ce genre visant à connecter les différents acteurs, à sensibiliser aux disparités liées au sexe en matière de maladies cardiovasculaires et à servir de tremplin pour de futures recherches ».
Première cause de décès
Les 17 experts de 11 pays rapportent qu’environ 275 millions de femmes dans le monde étaient atteintes de maladies cardiovasculaires en 2019 et que ces maladies sont la principale cause de mortalité féminine, représentant 35 % de tous les décès cette année-là. Les principales causes de décès par maladie cardiovasculaire chez les femmes étant la cardiopathie ischémique (47 % des décès), suivie de l’AVC (36 %).
Si les experts soulignent que des efforts ont été faits − avec une baisse mondiale de la prévalence de 4,3 % depuis 1990 −, ils jugent ces efforts insuffisants. D’autant que certains pays parmi les plus peuplés ont connu une hausse des maladies cardiovasculaires, comme la Chine avec 10 % d’augmentation et l’Indonésie avec 7 %.
Les inégalités géographiques sont aussi marquées en termes de mortalité, avec un taux de mortalité standardisé sur l’âge qui dépasse les 300 décès pour 100 000 femmes en Asie centrale, Europe de l’Est, Afrique du Nord, Moyen-Orient, Océanie et Afrique centrale subsaharienne, tandis que l’Asie-Pacifique, l’Australasie, l’Europe occidentale, l’Amérique latine andine et l’Amérique du Nord présentent un taux inférieur à 130 décès pour 100 000.
Recherche sur les spécificités féminines
Une partie des recommandations est guidée par la nécessité de mieux connaître ces maladies et leurs spécificités chez les femmes. La Commission estime notamment qu’un effort financier doit être fait pour la collecte de données en temps réel, disponibles pour tous, pour une meilleure connaissance de la prévalence des maladies cardiovasculaires chez les femmes (recommandation 1). Elle invite également à davantage de recherche sur les facteurs de risque, notamment psychosociaux, (recommandation 8) et les mécanismes physiopathologiques spécifiques au sexe (recommandation 3). Une meilleure connaissance des maladies cardiovasculaires chez les femmes signifie également qu’elles doivent être mieux représentées dans les essais cliniques. En ce sens, les experts invitent à « élaborer des stratégies pour améliorer le
recrutement et le maintien des femmes dans les essais cliniques cardiovasculaires » (recommandation 4).
La Commission souhaite aussi mieux faire connaître les spécificités féminines des maladies cardiovasculaires, par le biais de programmes d’éducation (recommandation 2) et une meilleure sensibilisation au dépistage précoce et à la prévention (recommandations 6 et 7). Ces campagnes devant être destinées à la fois aux professionnels de santé et aux patientes.
Concernant la prévention, « le tabagisme reste l’un des problèmes de santé les plus importants pour les femmes européennes. L’éducation, les initiatives et les campagnes sur les réseaux sociaux sont indispensables pour prévenir le tabagisme chez les jeunes femmes », estiment les auteurs, qui ont aussi détaillé des préconisations selon les régions du monde.
Coordination mondiale
Les experts du « Lancet » invitent par ailleurs à mieux prioriser les fonds des organisations mondiales pour financer des programmes dans les régions défavorisées sur le plan socio-économique (recommandation 5) ainsi qu’à renforcer l’existant dans les régions fortement peuplées et en voie d’industrialisation (recommandation 9). Enfin, ils appellent à plus de coordination en termes de prévention et de traitement à travers des partenariats public-privé « pour élaborer des programmes de grande envergure visant à sauver la vie des femmes souffrant de maladies cardiovasculaires » (recommandation 10).
« Améliorer de façon permanente les soins prodigués aux femmes atteintes de maladies cardiovasculaires dans le monde exige des efforts coordonnés et des partenariats impliquant les décideurs, les cliniciens, les chercheurs et l’ensemble de la communauté », souligne la Pr Roxana Mehran (Mount Sinai Medical
Center, États-Unis), co-auteure du rapport.
B. Vogel et al., Lancet, 2021. doi: 10.1016/S0140-6736(21)00684-X
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