Comment faire vivre concrètement la démocratie sanitaire ? Après un an de travaux, le conseil communal de santé (CCS) de la ville de Marseille s’est réuni mi-janvier au Palais du Pharo pour présenter son diagnostic et ses préconisations. Imaginé par la nouvelle municipalité, cet organe inédit de concertation regroupe chercheurs scientifiques, associations, décideurs, professionnels de santé, acteurs médico-sociaux et citoyens volontaires, qui travaillent main dans la main sur les problématiques sanitaires propres à la commune. « On s’est engagé pour une ville plus démocratique, j’ai donc mis en place un organe de démocratie sanitaire », explique Michèle Rubirola, première adjointe déléguée à la santé publique, médecin de profession et présidente du CCS. La création de cette instance, qui prend racine dans la commission santé du Printemps marseillais, avait été votée en conseil municipal en novembre 2020, en pleine pandémie.
« La sauce a pris »
En pratique, la quarantaine de membres sont libres de constituer des groupes de travail thématiques et de mobiliser leurs réseaux. « On vient en soutien logistique », explique Hind Gaigi, coordinatrice.
Si la gouvernance tâtonne encore et la participation citoyenne fait parfois défaut, des recommandations émergent, y compris très concrètes et de court terme telles que l’IRM sous sédation pour les personnes en situation de handicap. L’ouverture d’une salle de consommation à moindre risque, l’accès au logement des personnes atteintes de maladies chroniques ou l’installation d’un observatoire en santé s'invitent dans les débats. « Le danger, c’était que la sauce prenne et elle a pris ! », s’exclame le Dr Philippe Cano, conseiller médical à la direction de la santé, l'un des modérateurs. Une tâche difficile puisque, dès la mi-journée, le programme a été chamboulé pour permettre à la parole de mieux circuler.
Parcours du combattant de s'installer
« Un axe de travail important n'a pas encore été évoqué, c’est l’attractivité du territoire », insiste Jessica Lavigne, présidente de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) des 14, 15 et 16e arrondissement. « Or, c’est le parcours du combattant pour un médecin de s’installer dans les quartiers Nord », ajoute l’infirmière libérale.
Assez vite, les échanges virent aux discussions à bâtons rompus. « Madame, merci beaucoup pour votre discours, souligne la Pr Rachel Reynaud (La Timone), qui coordonne un réseau de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique. Vous avez résumé en trois phrases tout ce que nous essayons de faire comprendre dans l’accompagnement et l’éducation thérapeutique. » La médecin salue ici le rôle et le bon sens des médiateurs en santé. Parmi eux, Fatiha Ziani de l’association Réseaux 13, venait d'interpeller la salle. « J’ai vu des enfants partir de chez eux pendant six mois dans des centres d'amaigrissement et perdre du poids, mais à leur retour à la maison, on ne tient pas compte du budget de leur famille ni des habitudes alimentaires ou de l’activité physique. Qu'est-ce qu'on fait derrière ? » « Être enfant d’ouvrier, c’est avoir quatre fois plus de chance d’être atteint d’obésité infantile qu’un enfant de cadre, rappelle Michèle Rubirola, soulignant la vocation du conseil communal. Le seul objet de ces travaux, c’est la réduction des inégalités sociales et territoriales en santé. »
En quête d'idées géniales
Plusieurs élus et institutionnels sont venus prendre le pouls de ce conseil citoyen, dont le directeur général des Hôpitaux universitaires de Marseille (AP-HM), François Crémieux. « Les débats du jour me rappellent la fin des années 90 quand je démarrais ma carrière à l’hôpital de Montfermeil dans le 93, plaisante ce dernier. À un moment donné, il faut qu’on arrive à proposer des changements de paradigme. Sinon, la génération volontaire va s’épuiser. »
Le DG estime que le plan Marseille en grand (lancé par Emmanuel Macron en septembre 2021, NDLR) est une occasion de changer de braquet. « Ce dispositif prend acte de la fracture territoriale et d’un rattrapage majeur à organiser dans cette ville, tous les représentants de l’État sont à la recherche d’idées géniales. On peut en sortir une ou deux autour de cette table et changer la donne ! », veut croire François Crémieux, volontariste. Le patron des hôpitaux marseillais se dit prêt à engager la force de frappe de l’AP-HM pour lutter contre les inégalités en matière de vaccination et de dépistage dans les quartiers Nord.
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie