En France, une femme meurt tous les quatre jours d'une cause liée à la grossesse, à l'accouchement ou à ses suites ; entre 2013 et 2015, 262 sont décédées. C'est ce que montre le 6e rapport de l'Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM), portant sur cette période et dont les principaux résultats sont détaillés dans le dernier « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (« BEH ») de Santé publique France.
L’analyse approfondie des décès maternels par le Comité national d’experts sur la mortalité maternelle (Cnemm) a commencé en 1996, avec la publication d'un premier rapport portant sur la période 1996-1998. Selon cet organisme, 58 % des décès maternels seraient « probablement ou possiblement évitables », et « dans 66 % des cas, les soins dispensés n'ont pas été optimaux », écrivent les auteurs du « BEH ».
Une fréquence divisée par deux des hémorragies obstétricales
Ce volet 2013-2015 met en évidence un ratio de mortalité maternelle (RMM) qui reste stable depuis 2007, ce ratio étant défini par le rapport du nombre de décès maternels sur le nombre de naissances vivantes pour la même période. Entre 2013 et 2015, le RMM était de 10,8 pour 100 000 naissances vivantes en prenant en compte les décès jusqu'à un an après l'accouchement, un taux qui se situe dans la moyenne des pays européens.
Les causes ont cependant évolué. Pour la première fois depuis le début des ENCMM, l'hémorragie obstétricale n'est plus la première cause de mortalité maternelle. Entre 2007 et 2015, le RMM est passé de 1,6 en 2007-2009 à 1,0 en 2013-2015. « La diminution majeure de la mortalité par hémorragie obstétricale est un réel succès. La fréquence de cette cause de décès a été divisée par deux en 10 ans », saluent les auteurs. L'alerte donnée par les ENCMM semble ainsi avoir porté ses fruits et « a permis à l’ensemble de la communauté obstétricale de se mobiliser efficacement pour améliorer sa prise en charge », notent-ils.
La santé maternelle ne se limite pas à la sphère obstétricale
Les maladies cardiovasculaires et le suicide deviennent ainsi les deux causes les plus fréquentes de mort maternelle jusqu'à un an après la fin de la grossesse. Parmi les causes cardiovasculaires, qui représentent 13,7 % des morts maternelles, les plus courantes sont les cardiomyopathies préexistantes, les dissections aortiques et les cardiomyopathies du péripartum. Le suicide explique 13,4 % des décès, et survient en médiane quatre mois après l'accouchement. « Le 6e rapport de l’ENCMM est le premier à fournir une image fiable des suicides maternels en France », précisent les auteurs.
Cette évolution du profil des causes « met en lumière de nouvelles priorités, en rappelant que la santé maternelle ne se limite pas à la sphère obstétricale, ainsi que l’importance de la prévention et de l’éducation en santé pour les futures mères », poursuivent les auteurs.
À noter que 14 % des morts maternelles restent inexpliquées ; dans plus de la moitié des cas, il s'agit de mort subite. Un constat que les auteurs expliquent en partie par un faible taux d'autopsies en France. « Ceci souligne l’importance de promouvoir et faciliter la pratique de l’autopsie maternelle, notamment dans un contexte de mort subite, estiment-ils. En France, des obstacles organisationnels, financiers et culturels limitent actuellement la pratique de l’autopsie en cas de décès maternel. »
Plus de décès inexpliqués dans les Drom
Le rapport pointe également la persistance des inégalités sociales et géographiques. Les départements et régions d'outre-mer (Drom) en font particulièrement les frais, avec un RMM plus de trois fois supérieur à celui observé en métropole (32 versus 9,5 décès pour 100 000 naissances vivantes). « Ce surrisque s’inscrit dans un contexte d’indicateurs de santé périnatale globalement plus défavorables dans les Drom, dont les causes semblent multiples », déplorent les auteurs.
Et si les causes de mortalité maternelle ne sont pas si différentes de celles observées en métropole, un taux beaucoup plus élevé de causes inexpliquées est retrouvé dans les Drom, atteignant quasiment 50 % des cas contre 10 % en métropole. « Ceci témoigne d’un défaut du suivi des femmes et de qualité du dossier médical, contribuant à l’absence d’information contributive disponible », expliquent les auteurs.
Une surmortalité est par ailleurs retrouvée parmi les femmes migrantes, avec des différences en fonction de l'origine géographique. « Des travaux conduits dans le contexte français ont montré l’implication possible d’un suivi prénatal inadéquat chez ces femmes, mais aussi celui du statut légal ou des comorbidités », rapportent les auteurs. Les plus vulnérables sont les femmes nées en Afrique subsaharienne, pour qui le RMM est de 25 pour 100 000 naissances vivantes.
Des résultats à traduire en actions
Au-delà de ces facteurs, le 6e rapport confirme que le risque de mortalité maternelle augmente avec l'âge : il est multiplié par 2,9 pour les femmes de 35-39 ans par rapport à celles de 25-29 ans et par quatre pour les plus de 40 ans. L'obésité est également un facteur de risque majeur : 24 % des décès maternels concernent des femmes obèses.
« Dans tous les cas, l’organisation d’une offre de soins graduée et de parcours de soins coordonnés pour les femmes enceintes et récemment accouchées sur un territoire, semble un enjeu majeur », concluent les auteurs, qui appellent à ce que leurs résultats se traduisent en travaux de recherche et en actions pour améliorer la prise en charge des femmes. « L’exemple historique de la diminution de la mortalité maternelle par hémorragie illustre qu’un tel succès est possible, et doit être recherché dans ces domaines de la santé non strictement obstétricaux », plaident-ils.
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