La nouvelle définition des nanomatériaux proposée par la Commission européenne est « trop restrictive » et risque d'exclure un certain nombre de substances dont l'impact sur la santé nécessiterait pourtant d'être proprement évalué. C'est ce que dénonce l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) dans un rapport et un avis publiés ce mercredi 17 mai.
Cet avis fait suite à une saisine datant du 10 juillet 2018 faite par la Direction générale de la santé (DGS), la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), la Direction générale de l’alimentation (DGAL), la Direction générale du travail (DGT) et la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). Il était alors demandé à l'Anses d'apporter un appui scientifique et technique concernant une proposition de définition européenne actualisée du terme « nanomatériaux ».
L'ancienne définition datait du 18 octobre 2011, date à laquelle la Commission européenne a émis une recommandation sur le sujet. Cette définition s’appuyait sur deux critères fondamentaux : un premier critère dimensionnel (entre 1 et 100 nm) et un critère de distribution de taille (les nanomatériaux étant composés de particules de différentes dimensions). La Commission classe un matériau comme « nanomatériau » à la condition que 50 % ou plus de ses particules constitutives répondent au premier critère dimensionnel.
Ce texte est très important car de nombreux règlements européens s’y adossent : le Reach, le règlement relatif à la mise à disposition sur le marché et à l'utilisation des produits biocides, le règlement relatif aux nouveaux aliments, le règlement cosmétique, etc.
Une régression en matière de protection des populations
Cette recommandation a été révisée, à la suite d'un processus de consultations, pour aboutir à une nouvelle définition en juin 2022. Mais l'ANSM estime qu'elle « pourrait conduire à une régression en matière de protection des populations et de l’environnement ». Et d'ajouter : « Alors même que l’objectif de cette nouvelle définition était de clarifier ce que sont les nanomatériaux, elle ajoute finalement de la confusion avec des nouveaux concepts qui ouvrent la voie à des différences d’interprétation. »
Cette définition repose notamment sur des termes qui ne font pas consensus, selon l'Anses, comme celui « d'état solide » ou encore la notion de caractère « identifiable » d'une nanoparticule. Avec de tels critères, les nanovecteurs de type micellaire (vésicules, liposomes, particules lipidiques) employés en médecine, mais aussi dans l'agriculture, échapperaient à tout contrôle.
Adopter une nouvelle définition plus large au niveau européen
Pour l'agence, la France doit peser de tout son poids pour qu'une définition plus large et englobante soit adoptée au niveau européen, se basant uniquement sur la taille des particules. L'Anses fournit à cet effet une liste des critères nécessaires pour définir les objets de taille nanométrique dont les effets éventuels sur la santé mériteraient d’être évalués. Elle invite les pourvoir publics à s'en servir à l'occasion de la révision prochaine des règlements européens Reach et CLP, relatifs aux produits chimiques et aux cosmétiques.
Ce sera ensuite le rôle des réglementations sectorielles (cosmétiques, biocides, aliments, médicaments, etc.) de préciser, parmi ces nanomatériaux, ceux devant faire l’objet de mesures particulières d'étiquetage ou d'autorisation préalable. Par ailleurs, les experts de l'agence demandent un effort en matière de connaissance des dangers et des risques pour pourvoir correctement adapter les réglementations.
« Pour les scientifiques, qui l’attendent depuis 10 ans, cette nouvelle définition constitue une étape déterminante, car elle va orienter la production des nouvelles connaissances scientifiques qui permettront d’évaluer les risques des nanomatériaux pour la santé et l’environnement », rappelle Anthony Cadène, chef de projets scientifiques à l'Anses.
La méthodologie de la Commission, vertement critiquée
Le groupe de travail de l'Anses s'est également exprimé sur la manière dont la recommandation européenne a été actualisée : elle en dénonce le « déroulé singulier ». La consultation publique a en effet été ouverte durant une période de seulement sept semaines, sans qu’un calendrier n’ait été annoncé aux parties prenantes. De plus, « le format proposé s’est avéré particulièrement contraint », avec seulement « quelques questions posées sur quelques points précis sélectionnés par la Commission », dénonce l'Anses, ajoutant qu'« elle n’a pas formulé de réponses aux commentaires adressés lors de la consultation publique ni organisé d’échange avec les répondants ».
Cerise sur le gâteau : les réponses à la consultation n'ont été que marginalement prises en compte, puisque la totalité des suggestions initiales formulées par la Commission a été adoptée, à l’exception d’un ajustement de la valeur seuil de la VSSA (Volume Specific Surface Area).
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