Dans un rapport d’expertise collective, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) appelle à réduire l’exposition aux nitrites et aux nitrates dans l’alimentation, sans prôner leur interdiction.
« Une première réunion réunissant les acteurs techniques des filières sera organisée avant la fin du mois de juillet 2022. À l’automne, un plan d’actions issu de ces travaux sera présenté au Parlement », a annoncé le gouvernement à la suite de la publication de l'avis.
Ce rapport, qui répond à une saisine de juin 2020 (notamment de la Direction générale de la santé), vise à répondre à un questionnement sociétal, porté entre autres par la Ligue contre le cancer et ayant fait l'objet de travaux parlementaires.
Peu de dépassements des doses journalières admissibles
Les nitrates et les nitrites se retrouvent dans notre alimentation par plusieurs biais : les nitrates sont présents dans les sols et l'eau (du fait du cycle de l'azote mais aussi des activités agricoles), les nitrites et les nitrates s'accumulent dans les végétaux et on les retrouve par ailleurs dans la charcuterie et les viandes transformées en tant qu'additifs alimentaires en raison de leurs propriétés antimicrobiennes.
Les nitrates sont ainsi consommés majoritairement via les végétaux, mais aussi via les eaux de consommation et dans une moindre mesure via les additifs des produits de charcuterie, ces derniers représentant moins de 4 % de l'exposition totale. Selon l'Anses, 1,5 % des adultes et des enfants dépassent la dose journalière admissible (DJA)* définie par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) pour les nitrates.
Concernant l'exposition aux nitrites, les additifs des produits de charcuterie représentent 45 à 65 % de l'exposition totale. Le jambon cuit, les saucisses et les saucissons cuits contribuent majoritairement à l'exposition des consommateurs. L'Anses précise que 0,4 % des enfants dépassent la DJA spécifique aux nitrites, mais aucun dépassement n'est observé chez les adultes.
Mieux prendre en compte la co-exposition
Les nitrites se forment par ailleurs à partir des nitrates dans l'organisme, qui se transforment à leur tour en composés nitrosés. Parmi ces composés, les nitrosamines sont connues pour être préoccupantes du fait de leur caractère génotoxique et cancérogène. Concernant les autres composés nitrosés, l'Anses estime nécessaire d'acquérir des données complémentaires pour mieux évaluer leur potentiel toxicologique.
Selon les dernières données de 2018 du Centre international de recherche sur le cancer (Circ), il existe une association positive entre nitrates/nitrites et cancer colorectal. Des associations sont par ailleurs suspectées pour d'autres cancers, comme celui des ovaires, des reins, du pancréas ou du sein. L'Anses invite à poursuivre les travaux pour confirmer ou non ces risques.
Alors qu'il existe des DJA distinctes pour les nitrates et les nitrites, l'Anses recommande de mener des études expérimentales pour établir des DJA prenant en compte la co-exposition aux nitrates, aux nitrites et aux composés nitrosés.
Adapter les mesures au type de produit
Sur la base de ces constats, l'Anses préconise de réduire l'exposition de la population aux nitrites et aux nitrates, en limitant l'exposition par voie alimentaire. Selon l’Agence, « la réduction de leur utilisation aussi bas que raisonnablement possible peut être envisagée à la condition impérative de prendre des mesures pour maîtriser le risque de contamination bactérienne par d’autres moyens ».
Ces mesures compensatoires doivent par ailleurs être adaptées à chaque type de produit et à ses spécificités, alors que l’ajout de nitrates et de nitrites a vocation à prévenir le développement des bactéries à l’origine de maladies comme la salmonellose, la listériose ou le botulisme. L'Anses recommande d'ailleurs de conduire des études pour améliorer les connaissances sur le comportement des pathogènes dans les produits de charcuterie.
La réduction des nitrites et du risque microbiologique peut notamment passer par la réduction des durées de vie (DLC) pour le jambon cuit, par la mise en place d'un plan de lutte contre les salmonelles dans la filière porcine pour le saucisson sec et par la maîtrise du procédé de fabrication pour le jambon sec, via un contrôle strict du taux de sel et de la température au cours des étapes de salage.
Attention aux nitrites cachés
Au-delà de ces mesures collectives, des mesures individuelles sont aussi à mettre en œuvre. Il s'agit de favoriser une alimentation équilibrée et diversifiée, avec au moins cinq portions de fruits et légumes différents par jour et d'origines diversifiées ainsi qu'une consommation raisonnée de produits de charcuterie (moins de 150 g/semaine).
L'Anses appelle par ailleurs à la prudence concernant certains étiquetages. « Certains fabricants utilisent des extraits végétaux ou des bouillons de légumes comme substituts aux additifs nitrités. Cela ne constitue pas une réelle alternative dans la mesure où ils contiennent naturellement des nitrates qui, sous l’effet de bactéries, sont convertis en nitrites, souligne-t-elle. Ces produits dits "sans nitrite ajouté" ou "zéro nitrite" contiennent donc des nitrates et des nitrites cachés. »
En plus de ces actions alimentaires, l'agence sanitaire recommande aussi de maîtriser la teneur en nitrates dans l’eau et les sols en optimisant les pratiques, alors que certaines activités humaines contribuent à renforcer leur concentration. L'Anses devrait rendre un avis prochainement « sur les unités de distribution des eaux pour lesquelles des dépassements de la limite de qualité pour les nitrates ont été observés ».
* « La DJA est la quantité estimée d'une substance présente dans les aliments ou dans l'eau potable qui peut être consommée quotidiennement pendant toute la durée d’une vie sans présenter de risque appréciable pour la santé », est-il défini sur le site de l'Efsa.
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