En 2030, une personne sur 120 âgées de plus de 45 ans pourrait souffrir de la maladie de Parkinson (MP), déjà deuxième cause de décès dans le monde, et première cause d'invalidité, estime Santé publique France, dans le « Bulletin épidémiologique hebdomadaire » (« BEH ») du 10 avril, publié la veille de la journée mondiale Parkinson.
L'originalité des travaux, qui livrent une photographie de la maladie de parkinson en France, tient à leur dimension nationale, nécessaire pour guider les politiques publiques, souligne le Pr Marie Vidailhet, neurologue (Pitié-Salpêtrière, AP-HP, CNRS, Institut du cerveau et de la moelle épinière) dans l'éditorial.
Les hommes 1,5 fois plus touchés
Aujourd'hui, la MP est la deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente après la maladie d'Alzheimer. Au 31 décembre 2015, 166 712 patients étaient traités, soit une prévalence de 2,5 patients pour 1 000 personnes. Les hommes sont 1,5 fois plus touchés que les femmes, ainsi que les personnes âgées de 85 à 89 ans, une tranche d'âge où l'on observe un pic, après une augmentation continue de la prévalence depuis 45 ans. Plus de la moitié des patients ont plus de 75 ans ; mais près d'un patient sur 7 est atteint avant 65 ans. Chaque année, environ 25 000 nouveaux cas apparaissent, soit une incidence de 0,39 pour 1 000 personnes-années.
Le fardeau de la MP devrait s'alourdir dans les prochaines années, estiment Frédéric Moisan de SPF et coll., sous l'effet du vieillissement et de l'amélioration de l'espérance de vie. En 2030, la France devrait compter 256 800 personnes souffrant de MP (130 000 hommes, 126 8 000 femmes), soit une augmentation de 56 % par rapport à 2015.
La distribution des cas est hétérogène sur le territoire, avec des départements plus touchés comme la Somme, les Bouches-du-Rhône, l'Indre, la Corrèze, l'Oise, le Doubs et la Lozère.
Plus de chute et démences mortelles, moins de cancers
Les personnes avec une MP (1,8 % des décès en 2014) décèdent en moyenne, à 84,2 ans, 3,7 années plus tard que la population générale, et deux fois plus souvent en maison de retraite. L'étude de cohorte de Laure Carcaillon-Bentata et coll. montre que le risque de mortalité des malades par rapport à la population générale est deux fois plus élevé. Si le risque de mortalité de ces patients est plus élevé, ils meurent à un âge plus avancé et cet écart « traduit le fait que la MP touche des personnes ayant atteint un âge suffisamment avancé pour être "à risque" de la développer », soulignent les auteurs.
Quant aux causes de décès, l'étude de Catherine Ha et coll. à partir des certificats de décès avec mention de MP, retrouve une démence, notamment Alzheimer, une autre maladie du système nerveux, une maladie cérébrovasculaire, une cardiopathie ischémique, et une chute. À l'inverse, on observe moins de tumeurs invasives et de cancers.
L'étude rappelle l'importance de prévenir les troubles de l'équilibre mais aussi de la déglutition, puisque les pneumopathies d'inhalation étaient mentionnées chez 15 % des cas de MP vs 4 % des décès sans MP.
Agriculteurs et riverains des cultures les plus touchés
Deux études identifient les publics les plus à risque. Celle de Laure Carcaillon-Bentata et coll. met en évidence l'impact plus important de la maladie sur l'espérance de vie des malades jeunes et des femmes.
L'article de Sofiane Kab et coll. confirme que l'incidence de la MP est plus élevée de 13 % chez les exploitants agricoles affiliés à la mutualité sociale agricole (MSA), qu'en population générale (régime général de la Sécu). « Même si de nombreux arguments sont en faveur du rôle de l'exposition professionnelle aux pesticides pour expliquer cette association, on ne peut exclure l'implication d'autres facteurs liés au métier ou à l'environnement agricole », précisent les auteurs.
L'étude révèle aussi un lien entre la surface agricole utile (SAU) et l'incidence de la MP qui augmente progressivement avec la taille des premières. Les riverains (même non-agriculteurs) de terres viticoles, gourmandes en fongicides d'insecticides, sont particulièrement concernés, avec une incidence de parkinson plus élevée de 10 % par rapport aux cantons sans viticultures. Parmi les explications : l'exposition aux pesticides y compris à domicile, ou au travail, et la consommation de fruits et légumes venants de jardins traités ou d'eau de pluie contaminée.
« L'exposition environnementale aux pesticides pourrait être associée à la MP ; le nombre de cas de MP attribuable aux pesticides pourrait être plus élevé, que si seule l'exposition professionnelle était impliquée », concluent les chercheurs.
En écho, Générations Futures demande aux pouvoirs publics de prendre des mesures de protection rapides et efficaces, alors que le projet de loi sur l'alimentation et l'agriculture doit être discuté ce printemps. L'association préconise par exemple l'instauration de vastes zones sans traitements de synthèse à proximité des lieux de vie.
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce
La prescription d’antibiotiques en ville se stabilise
Le Parlement adopte une loi sur le repérage des troubles du neurodéveloppement
Chirurgie : les protocoles de lutte contre l’antibiorésistance restent mal appliqués, regrette l’Académie