LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Pourquoi briguez-vous le poste de directeur général de l'OMS ?
PHILIPPE DOUSTE-BLAZY : Tous les êtres humains devraient être égaux devant la santé. Pour défendre ce droit essentiel et assurer la sécurité sanitaire, les États doivent disposer d’une organisation forte et respectée. Je suis persuadé que l'OMS est et doit redevenir centrale ; elle doit coordonner l’action politique en santé mondiale.
Quelles sont vos priorités ?
La première est de mettre en place des systèmes de santé de base dans les pays du monde entier : c'est l'alpha et l'oméga de la santé publique. Les fonds verticaux comme le Fonds mondial contre le Sida, la tuberculose et le paludisme, GAVI, l'alliance du vaccin, ou UNITAID font un travail exceptionnel ; mais distribuer des vaccins et médicaments sans renforcer les structures nationales reste insuffisant. L'OMS doit donc apporter l’expertise nécessaire aux pays et faire respecter le règlement sanitaire international (RSI), via des évaluations, avec publication des résultats. C'est à ce prix que pourra se développer une couverture universelle en santé.
éDeuxième priorité : augmenter le nombre de professionnels de santé dans les pays à bas et moyen revenu, en facilitant leur maintien, et en soutenant les travaux de la nouvelle commission de l'OMS « croissance et emploi en Santé », coprésidée par la France et l'Afrique du Sud.
Nous créerons un observatoire des inégalités et poursuivrons les actions en santé maternelle et infantile et dans la lutte contre la malnutrition chronique. La santé mentale doit être au cœur de l'agenda tout comme la prévention. La résistance antimicrobienne est une urgence mondiale. Nous devons davantage travailler avec la FAO (organisation des Nations-Unies pour l'alimentation et l'agriculture) et l'OIE (organisation mondiale pour la santé animale), dans le cadre du concept « One health », une seule santé humaine, animale et végétale.
Comment traduire sur terrain cette feuille de route ?
Ces 25 dernières années, la mortalité infantile et maternelle a été divisée par deux : cela prouve que lorsque l'argent est là, les progrès sont remarquables.
Les financements innovants sont l’une des clefs du budget. Nous l’avons prouvé avec UNITAID et la taxe sur les billets d'avion, à notre petit niveau, puisque 12 pays sur 194 y contribuent. Récemment, nous avons convaincu 4 pays africains de donner une contribution solidaire sur les ressources extractives.
Comment améliorer l'accès aux médicaments ?
Deux milliards d’êtres humains n’ont pas accès aux médicaments et aux vaccins essentiels. Il faut encourager les dynamiques de marché pour réduire les prix, comme UNITAID l'a fait en rendant accessibles les antirétroviraux pédiatriques. En 2006, seulement 20 000 enfants atteints de sida sur 3,2 millions étaient soignés. Nous avons pu mettre sous traitement 100 000 enfants par an depuis ; nous avons su développer l'offre.
Ce schéma peut-il s'appliquer aux traitements de l'hépatite C ?
Bien sûr ! Nous avons fondé la première communauté de brevets médicaux, le Medicines patent pool, qui a permis, dans le domaine du sida, de pouvoir mettre à disposition des malades des pays pauvres les mêmes médicaments que dans les pays riches. Nous allons développer ce système pour la tuberculose et nous avons commencé à travailler sur l'hépatite C.
Les 3 Académies et les Ordres ont publié un manifeste contre le fléau des médicaments falsifiés, et qualifié l'attitude de l'OMS de laxiste sur ce sujet. Qu'envisageriez vous contre la contrefaçon ?
Les auteurs de médicaments falsifiés sont les pires criminels ! Je crois aux lois : il faut des résolutions au niveau du Conseil de sécurité. Il faut aussi mettre en place des laboratoires de certification dans tous les pays.
La crise Ebola a été l'occasion d'une remise en cause de l'OMS. Quelles sont les réformes nécessaires selon vous ?
La directrice générale de l'OMS a déjà tiré les conséquences et proposé des réformes soutenues par la France, comme la mise en place de professionnels de santé volontaires, de tous les pays, prêts à être projetés sur des terrains en crise pour traiter les malades et former les professionnels de santé, ainsi qu'une chaîne de commandement unique.
Il faut une nouvelle gouvernance, telle que la souhaite Margaret Chan, fondée sur une parfaite cohésion entre les régions de l'OMS et la direction centrale à Genève. Il faut enfin travailler davantage avec les organisations non gouvernementales.
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