Hépatites B après acupuncture

Premier épisode d’une transmission croisée

Publié le 05/04/2011
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LE RISQUE de transmission croisée de patient à patient du virus de l’hépatite B par des aiguilles d’acupuncture non stérile et/ou par des aiguilles à usage unique réutilisée est connu. Des épisodes ont déjà été décrits en Grande-Bretagne et aux États-Unis, où 35 cas de contamination ont été identifiés en 1988. Les 4 cas groupés rapportés cette semaine dans le « BEH » (5 avril 2011/n° 12) constituent le premier épisode du genre décrit en France.

Le 11 septembre 2008, la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS, désormais intégrée aux agences régionales de santé) du Gard recevait une notification d’hépatite B aiguë chez une jeune fille de 16 ans hospitalisée en raison de symptômes mal tolérés et d’une cytolyse hépatique importante. Les investigations étaient d’emblée été dirigées vers le centre d’acupuncture « d’énergétique chinoise » où la patiente avait, dans les semaines précédentes, effectué plusieurs séances.

Des souches de même génotype.

Du fait d’une impossibilité à reconstituer le fichier clients, une large information du public a été décidée, notamment au moyen d’une conférence de presse et d’un courrier adressé aux professionnels libéraux, aux hospitaliers et aux centres de dépistage anonyme et gratuit (CDAG). L’objectif était de retrouver les personnes qui avaient fréquenté le centre depuis 2006 et de leur proposer un dépistage du VHB, du VHC et du VIH.

C’est ainsi qu’ont pu être identifiées 3 nouvelles infections aiguës par le VHB chez des personnes ayant reçu des soins dans le centre. Toutes étaient des femmes âgées de 16 à 85 ans, sans lien entre elles autre que la fréquentation du centre. Aucune n’avait été vaccinée contre l’hépatite B. Trois d’entre elles ont présenté une hépatite symptomatique, la quatrième, asymptomatique, ayant une infection récente découverte à l’occasion d’un dépistage volontaire réalisé à la suite de l’information lancée par les autorités sanitaires.

Chaque patiente avait eu entre 2 et 30 séances d’acupuncture, toutes réalisées par le même opérateur à des dates qui se chevauchaient. Les investigateurs ont ainsi pu déterminer une période à risque d’acquisition du VHB, d’avril à septembre 2008, compatible avec la période d’incubation maximale généralement admise de six mois. Les investigations moléculaires ont confirmé l’origine commune de la contamination : 4 souches de même génotype avec une homologie de 100 % sur les régions analysées et exactement la même mutation du gène S (T1311).

En revanche, la chaîne de transmission n’a pas pu être établie avec certitude en l’absence d’identification d’un porteur chronique du VHB qui aurait constitué un patient source potentiel. Une transmission de soignant à soigné a toutefois pu être écartée, la sérologie de l’opérateur, réalisée de sa propre initiative à la fin de septembre 2008 n’ayant mis en évidence aucun marqueur biologique d’infection aiguë ou chronique par le VHB.

Pierre angulaire de la prévention.

Les circonstances qui ont rendu possible la contamination croisée sont également bien établies par la mission d’inspection de la DDASS, qui a mis en évidence des manquements graves : aucun accessoire d’hygiène n’a été retrouvé (draps jetables, gants, produit détergent, désinfectant...) ; aucun procédé chimique ou thermique apte à détruire le VHB n’était disponible pour traiter les surfaces ou certains accessoires réutilisables (ventouses chinoises, marteau à fleur de prunier) ; aucune procédure n’avait été établie pour l’élimination des déchets d’activité de soins. L’hypothèse d’une transmission par l’intermédiaire d’une réutilisation des aiguilles jetables « est la seule pouvant être retenue », expliquent Cyril Rousseau et col. dans le « BEH ». Les investigateurs ont observé que nombre de ces aiguilles déjà utilisées étaient conservées avec un étiquetage nominatif inconstant, ce qui rend possible leur partage entre patients.

La fermeture immédiate de l’établissement par le préfet a permis d’éviter la survenue de nouveaux cas. Aucune transmission d’autres virus (VIH ou VHC) n’a été observée, une éventualité qui ne pouvait être exclue, même si ces deux agents sont moins transmissibles par cette voie que le VHB. Ce dernier « peut persister plusieurs jours à température ambiante dans l’environnement, voire plusieurs semaines dans du sang séché », soulignent les auteurs.

Cet épisode offre l’occasion de rappeler que l’acupuncture est un acte médical et que les professionnels qui réalisent ces actes doivent être formés à la technique et respecter l’usage unique des aiguilles, considéré comme la pierre angulaire de la prévention (la réutilisation, y compris individuelle, est totalement exclue*). De même, ils doivent appliquer strictement les précautions standards et opérer dans de bonnes conditions d’hygiène.

* Cf. Guides des recommandations professionnelles « Hygiène et prévention du risque infectieux en cabinet médical ou paramédical », juin 2007, disponible sur le site de la HAS (www.has-sante.fr)

 Dr L. A.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8938